États-Unis: quelles sont les recherches scientifiques que Donald Trump accuse de «wokisme»?
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Aux États-Unis, la production de connaissances et la liberté de la recherche sont désormais en danger, menacées par le gouvernement de Donald Trump. Toutes les recherches qualifiées de « woke » sont suspendues et ne sont plus financées. Mais qu'est-ce qu’une recherche dite « woke » ?

Selon le sénateur républicain du Texas Ted Cruz, ce sont des recherches qui font « la promotion de perspectives politiques radicales et de théories "néo-marxistes" ». Sauf que, parmi les 3 500 recherches épinglées dans son rapport paru en février, se trouvent aussi bien des projets de recherches sur les ondes gravitationnelles que sur le séquençage du génome des feuilles de menthe ou sur la mise au point d'un biocapteur pour détecter les maladies infectieuses.
Quel peut bien être le point commun entre ces recherches, étiquetées « woke » aux États-Unis par les partisans de Donald Trump, et donc mises à l'arrêt et privées de toute subvention ? La question a été posée par le site québécois Science Presse.
La réponse est dans les mots clés utilisés par l'équipe du sénateur républicain pour identifier, dans la base de données de la National Science Foundation (NSF), les recherches à abattre. Environ 700 mots-clés, comme « diversité », « genre », « trauma », « femme », « ségrégation », « changement climatique » etc. Ou encore l'acronyme « POC » pour « personne de couleur » ; trois lettres qui, en sciences, signifient aussi « point de contact », ce qui peut engendrer de grandes confusions.
Les équipes de Ted Cruz ont admis ne s'être absolument pas intéressées au contenu des recherches incriminées, qu'elles n'ont même pas éprouvé le besoin de lire. Il suffisait qu'elles contiennent l'un des mots-clés pour être considérées comme « woke » et donc annulées. Ce qui a été le cas de nombreux projets concernant la biodiversité, qui contient le mot clé « diversité » – un mot interdit désormais à la NSF –, tout comme les mots « institutionnel » ou « historiquement ». Le Washington Post a publié une liste de tous ces mots à présent interdits, non seulement à la NSF, mais aussi au ministère de l'Agriculture ou dans la communication des agences de santé, à commencer par tous ceux en lien avec le genre. Par exemple, même le terme « personne enceinte » n'est plus possible.
Le ministère de l'Agriculture états-unien a donné la directive de supprimer toutes les pages contenant le mot « changement climatique », en attendant de les réviser pour les remplacer par « résilience climatique », bien plus chic. Mais il n'y a pas que les mots qui disparaissent du paysage de la recherche : plus de 3 000 pages du site web des CDC, les agences de santé publique américaines, ont disparu. Est-il besoin de préciser qu'il s'agit principalement d'études sur les disparités raciales et ethniques en termes de maladies ou des programmes de prévention pour les familles à faibles revenus ? Près de 150 pages concernant la toxicomanie et la prévention des troubles mentaux se sont volatilisées.
La virologue Angela Rasmussen, de l'université du Saskatchewan, explique à la revue Science qu'après avoir constaté la disparition de toutes les données sur le VIH/sida de la page consacrée aux facteurs de disparité en santé, elle a décidé de passer ses nuits à télécharger et à sécuriser des données sur la surveillance de la grippe influenza, inquiète du sort qui pourrait leur être réservées. Voilà à quoi en sont réduits les chercheurs et chercheuses de la première puissance scientifique mondiale. Ils tentent désormais de passer sous les radars de la censure en se regroupant pour masquer, sous des intitulés autorisés, leurs thématiques de recherche qui n'ont de « woke » que le nom qu'on leur donne pour les éliminer.
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