Un antidote universel contre les morsures de serpents?
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Un antidote universel contre les morsures des serpents les plus venimeux de la planète est actuellement testé par des chercheurs californiens à partir des anticorps développés par un homme ayant volontairement subi plus de 200 morsures de serpent pour développer une immunité hors norme.

On peut saluer le courage, ou la folie, de Tim Fried, ce passionné de serpents qui s’est exposé plus de 800 fois à des venins de serpents mortels, dont 200 fois par morsures directes. Son but : pousser son système immunitaire à produire un maximum d’anticorps contre le plus grand nombre de toxines possible.
L’homme qui s’est fait mordre pour sauver des vies
Tim Fried s’est volontairement fait mordre par 16 espèces de serpents parmi les plus venimeux de la planète : cobras, mambas, taïpans... Et il a effectivement, à ses risques et périls, développé une immunité hors du commun. Son sang est une véritable bibliothèque d’anticorps, selon l’immunologiste Jacob Glanville, directeur de Centivax, un laboratoire californien qui tente de mettre au point des vaccins universels. « Je cherchais un expert des serpents, mordu par mégarde peut-être une ou deux fois, quand je suis tombé sur Tim Fried », a déclaré l’immunologiste à Sciences et Avenir. L’homme le plus envenimé au monde est aujourd’hui directeur de l’herpétologie à Centivax.
Vers un vaccin universel contre les morsures de serpent
Ses anticorps ont permis l’élaboration d’un antivenin efficace contre 19 espèces de serpents parmi les plus venimeux. Ce vaccin, encore expérimental, a été testé avec succès sur des souris et le sera bientôt sur des chiens victimes de morsures en Australie. Et ce n’est qu’un début, car Centivax travaille désormais, toujours avec et grâce aux anticorps de Tim Fried, sur un deuxième vaccin antivenin, cette fois efficace contre une autre famille de serpents : les vipéridés. Tim Fried est également immunisé contre ces serpents, ce qui devrait permettre, en combinant les deux vaccins, de concevoir un véritable vaccin universel protégeant contre les morsures de tous les serpents venimeux.
Un vaccin révolutionnaire contre un tueur silencieux
Car rappelons-le, les envenimations sont un véritable fléau : un problème de santé publique négligé selon l’OMS, qui tue plus de 100 000 personnes chaque année et en laisse quelque 300 000 autres handicapées ou amputées, principalement dans les pays tropicaux à faibles revenus, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Jusqu’à présent, le seul antidote restait l’administration d’un sérum antivenin basé sur le même principe que celui inventé en 1894 par le Français Albert Calmette : à partir des anticorps d’un animal (cheval ou mouton) préalablement immunisé. Ce procédé comporte plusieurs inconvénients : il faut identifier précisément le serpent en cause, car ces antivenins sont spécifiques à chaque espèce, ils sont difficiles à conserver, et il existe des risques d’allergies aux anticorps animaux.
Or, une seule dose de ce futur vaccin universel à base d’anticorps humains, donc très peu allergène, permettrait de neutraliser pratiquement tous les venins connus, en tout cas, un très large spectre des nombreuses toxines inoculées par les différentes espèces de serpents. De plus, ce vaccin, décrit dans la revue Cell, est élaboré à partir d’un petit nombre d’éléments et pourrait être lyophilisé, donc conservé hors du réfrigérateur, pour un coût bien inférieur à celui des antivenins traditionnels. « Plus efficace, moins cher, sans effets secondaires, et plus facile à déployer dans les environnements les plus austères », résume l’immunologiste Jacob Glanville. Dans la revue scientifique Nature, un autre éminent spécialiste des morsures de serpents venimeux, Jean-Philippe Chippaux de l’IRD, rappelle que le principal défi dans la prise en charge des morsures de serpents n’est pas l’efficacité des traitements, mais leur administration souvent tardive. « Nous devons réfléchir », explique-t-il, « à des moyens de rapprocher les antivenins des zones de morsures et de convaincre les patients de se rendre à l’hôpital plus rapidement ». C’est précisément tout l’enjeu de la lutte contre l’envenimation. J’ajoute aussi que l’exemple de Tim Fried n’est absolument pas à suivre, même pour la science, sous peine de mort. On ne s’immunise pas qui veut…
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