Lorsqu’en février 1961, le batteur Max Roach et la chanteuse Abbey Lincoln parviennent à bousculer les débats du conseil de sécurité de l’ONU après l’assassinat du Premier ministre congolais Patrice Lumumba, ils viennent de faire jaillir la force mobilisatrice de la musique au sein des institutions politiques internationales. Ce moment de bascule historique est le point de départ d’un récit cinématographique imaginé par le documentariste belge Johan Grimonprez. Son film «Soundtrack to a coup d’État» sortira sur les écrans français le 1er octobre 2025.

Au tournant des années 60, les deux rives de l’Atlantique sont en effervescence. Les indépendances africaines bousculent la géopolitique planétaire et nourrissent l’élan d’émancipation déjà très vif de la communauté noire aux États-Unis. L’enjeu est de taille : il faut parvenir à trouver sa place dans le concert des nations au moment où les partitions territoriales sont redessinées. La guerre froide a installé une confrontation bipolaire latente qui se trouve brutalement ébranlée par l’émergence de nouveaux acteurs étatiques déterminés à jouer leur rôle au sein des instances internationales. Cette réalité attise les convoitises et conduit les anciennes puissances coloniales aux pires outrances pour conserver un pouvoir d’influence économique et stratégique.

Ce nouvel ordre mondial agite les esprits, mobilise les engagements, suscite des prises de position parfois radicales. Outre-Atlantique, poètes, écrivains, musiciens, s’indignent des exactions de l’administration américaine et font entendre leurs voix. Les mots sont acerbes et les notes plus tranchantes. Le swing docile d’antan est subitement percuté par un free jazz insolent. John Coltrane, Ornette Coleman, Nina Simone entendent le cri de leurs frères africains et le relaient à travers des prestations vibrantes. L’océan n’est plus le tombeau des esclaves, mais un pont entre deux continents unis par un appel unitaire panafricain. L’universalité du discours afro-diasporique fait mouche et la musique accompagne avec force cette fronde sociale inéluctable.

«Soundtrack to a coup d’État» narre avec acuité ce changement de paradigme appuyé par le rythme cadencé de jazzmen totalement investis dans un activisme artistique salutaire. De Louis Armstrong, empêtré malgré lui dans un rôle d’ambassadeur factice au Congo, à la campagne présidentielle fantaisiste mais résolue du trompettiste Dizzy Gillespie, le génie créatif et humaniste des grandes figures de «L’épopée des Musiques Noires» a suscité un examen de conscience que ce documentaire trépidant, nommé aux oscars, restitue brillamment.
La bande-annonce de «Soundtrack to a coup d'État» (Crédits : Les Valseurs)
Playlist
- « Indépendance Cha Cha » par Joseph Kabasele & African Jazz
- « When the saints go marching in » par Louis Armstrong
- « Vive Lumumba Patrice » par Vicky Longomba & African Jazz.
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