Nice suscite le dialogue intergénérationnel
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Du 24 au 27 juillet 2015, le Nice Jazz Festival, dans le sud-est de la France, a accueilli des artistes de tous âges. Le théâtre de Verdure a, notamment, présenté aux estivants, amateurs de swing authentique, un orchestre de légendes du jazz, les fameux Cookers. Cette formation composée de virtuoses aguerris, certains octogénaires, a démontré que le temps qui passe n’a pas d’emprise sur la vigueur musicale. Le même soir, la voix charmeuse d’un gamin de 25 ans, Tyreek McDole, ensorcelait les spectateurs.

Le jazz ne cesse d’évoluer et de se transformer. Il subsiste cependant toujours cette cadence héritée des rythmes africains ancestraux. Pour que cette matrice résiste à l’érosion du temps, il faut impérativement la transmettre aux générations futures. C’est ce à quoi s’emploie les « Cookers » dont l’histoire épouse celle des plus vaillants instrumentistes afro-américains. « Je pense que notre musique reflète l’époque à laquelle nos vénérables camarades de jeu ont vécu. Les plus anciens membres de ce groupe ont connu des moments difficiles dans l’Amérique des années 50 et 60. Cette période de résilience quotidienne inspirait des musiciens comme John Coltrane et Miles Davis. Les Cookers sont aujourd’hui l’écho de cette époque lointaine et perpétuent le message et l’esprit de nos aînés. Il y a dans notre musique ce désir de vivre dans un monde meilleur, débarrassé d’une angoisse existentielle héritée des temps anciens. Nous cherchons à promouvoir la joie. Si je fais partie de ce groupe aujourd’hui, c’est pour pouvoir échanger avec des musiciens que je vois comme des héros. Ils étaient là bien avant nous et nous avons le devoir de perpétuer leur tradition. Nous devons la porter au XXIe siècle. Quand j’ai rejoint les Cookers, je pensais rester quelques, mois mais aujourd’hui, je ne parviens plus à les quitter, car ce sont de très grands virtuoses. » (Donald Harrison Jr au micro de Joe Farmer)
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Au sein des Cookers, quelques éminences continuent d’insuffler la pulsion du jazz originel. Le batteur Billy Hart a aujourd’hui 84 ans. Sa prestigieuse carrière ne doit pas, à ses yeux, le détourner de certaines valeurs artistiques comme l’écoute et le partage. Perpétuer un art passe par le dialogue intergénérationnel. Il a conscience que ses camarades « Cookers » jouissent de son expérience, mais il ne minimise pas, pour autant, leur savoir-faire. « C’est une leçon de travailler avec mes camarades ici présents. J’ai fait appel à eux, car ils connaissent parfaitement les bases de cette musique. Ils savent ce que représente la tradition du jazz. Donald Harrison, par exemple, sait d’où il vient, quelles sont ses racines. Tous les musiciens de ce groupe ont une expérience éprouvée de la scène et, particulièrement, Donald Harrison. Pour moi, l’expérience, c’est le savoir. Prenez le trompettiste Eddie Henderson, cela fait 40 ans que nous nous côtoyons. Idem pour le contrebassiste Cecil McBee. Nous nous fréquentons depuis des lustres. Tous les membres de cet orchestre sont des instrumentistes aguerris et ils continuent de m’apprendre des choses. Vous vous en rendrez compte ce soir. » (Billy Hart, le 26 juillet 2025 à Nice)

Si cet aréopage de vieux briscards échaudés par les soubresauts d’une vie tumultueuse impose immédiatement le respect, il faudra bientôt accorder la même considération aux talents en devenir. Le jeune chanteur Tyreek McDole apparaît aujourd’hui comme l’une des valeurs sûres de l’art vocal jazz. Sa sincère déférence à l’égard de ses aînés démontre son attachement à une tradition qu’il puise dans les œuvres d’antan. « Un instrumentiste a toujours un impact sur un chanteur et ceux que j’ai écouté ont, d’une certaine manière, façonné la manière dont je conçois la musique. Je ne remercierai jamais assez Miles Davis d’avoir créé un album comme Round About Midnight. Je suis toujours estomaqué par le niveau d’excellence de cette musique et de ce disque. Évidemment, je ne peux oublier Ella Fitzgerald. Elle était une géniale interprète. Elle était capable de reproduire vocalement ce que ses homologues instrumentistes jouaient sur scène. Les musiciens s’inspirent également de l’art vocal. Prenez Lester Young ou Coleman Hawkins, ils parvenaient à paraphraser au saxophone les allitérations poétiques d’une chanteuse comme Sarah Vaughan. Il y a une indéniable interconnexion entre musiciens et interprètes. Nous nous inspirons les uns des autres. Nous passons tout notre temps à nous rendre hommage mutuellement. Cette constellation de grands artistes est gigantesque. Il ne faut pas citer que les grands noms, mais tous ceux qui ont contribué à l’épopée des musiques noires et ils sont nombreux. » (Tyreek McDole sur RFI)
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Le XXIe siècle est prometteur. Bien qu’amarrée aux temps anciens, l’inventivité de la jeune génération reste audacieuse. 50 ans d’histoire séparent les Cookers de Tyreek McDole et, pourtant, la flamme vitale du swing natif est préservée. Le Nice Jazz Festival y a largement contribué lors de ce mois de juillet 2025.

Titres diffusés cette semaine :
- « Satin Doll » (Ellington/Strayhorn) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025
- « Con Alma » (Dizzy Gillespie) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025
- « Django » (John Lewis) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025
- « The Summer Wind » (Heinz Meier) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025
- « Tanga » (Dizzy Gillespie) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025
- « Nancy With a Laughing Face » (Jimmy Van Heusen) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025

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