Tyreek McDole, nouvelle étoile de l’art vocal
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À 25 ans, Tyreek McDole surprend par sa maturité, tant dans son propos que dans ses interprétations. Encensée par ses pairs, acclamée par ses contemporains, la voix ronde, chaleureuse et parfois acrobatique, de ce jeune chanteur américano-haïtien fait mouche. Son audacieux et révérencieux premier album, Open up your senses, joue avec les accents jazz hérités de ses aînés. De retour en Europe cet automne, après une tournée estivale scintillante, Tyreek McDole s’apprête à conquérir le cœur de nombreux auditeurs.

Il est assez rare de noter la pertinence d’un artiste dès les premières années de sa carrière. C’est une expérience longuement éprouvée qui forge habituellement un discours et une identité. Tyreek McDole semble avoir déjà vécu mille vies. Sa vision du monde est souvent très juste, éclairée par une approche universaliste de ce XXIè siècle bouillonnant. Doit-il l’acuité de son regard altruiste à ses lointaines origines caribéennes ? On peut le penser en l’écoutant évoquer la multiplicité culturelle de son univers sonore.
«Je vous dirais ceci : comme j’ai la chance d’avoir en moi une palette de couleurs différentes, je ne peux qu’être influencé par cette myriade de sources d’inspiration. On ne parle pas assez de l’impact des Caraïbes sur le jazz américain. On dit souvent que la Nouvelle-Orléans est la ville la plus au nord des Caraïbes car, ancestralement, il y avait beaucoup de commerce entre la Louisiane et les îles des Caraïbes : Trinidad et Tobago, Cuba, Haïti… Il y a donc dans cette région du monde, une interconnexion des cultures qui a fait de la Nouvelle-Orléans le fameux melting-pot dont tout le monde parle aujourd’hui. Les Américains pensent qu’ils ont créé seuls cette forme d’expression qu’on appelle «Jazz». Ils oublient souvent l’influence des cultures voisines, des migrants, en d’autres mots, le reste du monde. Par conséquent, mes différentes origines m’ont ouvert l’esprit, et en tant que citoyen américain, j’ai profité des traditions importées par les migrants. Je parle des Italiens, des Irlandais, des Haïtiens, des Chinois, des Mexicains, etc. Nous avons tous contribué à la création des États-Unis. La musique américaine est donc le fruit d’un métissage international. Je suis un enfant du Rara et du Compas haïtiens mais aussi du Jazz, du Hip hop et du R&B américains. J’écoute beaucoup Mary J.Blige, Freddie Gibbs, Kendrick Lamar… J’ai tout cela en moi». (Tyreek McDole au micro de Joe Farmer)

Tyreek McDole n’a pas d’œillères. Il se laisse porter par ses envies sans réfléchir aux catégorisations discographiques. Même si, à son grand regret, il ne parle pas créole, il ne s’interdit pas pour autant de chanter dans la langue de ses ancêtres en apprenant par cœur les paroles de chansons traditionnelles comme «Wongolo Wale» qu’il délivre avec ferveur sur son album Open up your senses. «C’est une chanson traditionnelle. Elle provient d’Angola car l’ethnie haïtienne à laquelle j’appartiens a des racines dans ce pays. Autrefois, nous avions des royaumes entiers en Angola et les griots ont transmis notre histoire à travers les siècles. Ils ont raconté l’épopée des rois et des reines, des dynasties ancestrales. Ils ont narré le quotidien de mes aïeux. La chanson que vous évoquez fait référence au commerce triangulaire qui avait séparé des familles entières. Dans cette composition, je me pose la question : «Qu’es-tu devenu ?». En d’autres mots, j’interroge mes ancêtres. De toute façon, l’album entier est pétri de messages. Le titre de ce disque en dit long sur mon intention. Je dis : «ouvre ton esprit». C’est un peu comme si mes aînés tentaient de communiquer avec moi et m’encourageaient à faire le lien avec mes racines lointaines ». (Tyreek McDole sur RFI)

Il est certain que Tyreek McDole continuera à captiver nos oreilles. Il a déjà fasciné nombre de ses homologues. Il apparaîtra d’ailleurs sur le prochain album de l’illustre pianiste Kenny Barron (82 ans) qu’il a rencontré au hasard d’une croisière dans la mer des Caraïbes. «Durant cette semaine de croisière musicale, j’avais remarqué la présence de Kenny Barron qui assistait régulièrement à mes prestations. Il aurait pu aller voir ses amis mais il a choisi d’écouter des jeunes gens comme moi. J’étais très honoré de le compter parmi mes spectateurs... Alors que nous accostions en République Dominicaine, il s’est approché de moi et m’a demandé s’il pouvait me prendre en photo. J’étais estomaqué ! Je lui ai rétorqué : «ce serait plutôt à moi de vous prendre en photo !». Nous avons commencé à discuter ensemble et il s’est proposé pour enregistrer un titre sur mon album, en l’occurrence, Ugly Beauty de Thelonious Monk. Ce monsieur a tout de même joué avec les plus grands dont Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, et beaucoup d’autres ! C’est une légende vivante, un maître ! Il est l’un des derniers représentants d’une génération qui a marqué l’histoire du jazz. Je me sens tellement honoré de faire partie désormais de son cercle privé. Pouvoir apprendre d’une telle personnalité vous donne une perspective artistique complètement différente. C’était donc un sacré défi pour moi d’être à la hauteur et de ressentir l’énergie du maestro face à moi. Chaque fois que je me suis retrouvé en studio avec lui, j’ai appris énormément. J’ai appris à être patient, j’ai appris à m’abandonner à l’instant présent. Lui, n’a plus rien à prouver. Moi, j’avais tout à prouver ! Je devais lui démontrer que j’étais à la hauteur de ses attentes. C’est un sacré challenge pour un artiste de mon âge car je n’ai que 25 ans et, tout au long de ma vie, il faudra que je parvienne à relever de tels défis. J’espère qu’à 85 ans, j’aurai un peu progressé… (Le rire de Tyreek McDole dans «L’épopée des Musiques Noires» sur RFI)

Nul doute que ce jeune homme bourré de talent saura séduire un auditoire toujours plus vaste sans se fourvoyer car le succès qui accompagne déjà ses prestations ne l’intimide pas. Sa clairvoyance lui évitera certainement l’écueil de la précipitation et de l’exposition médiatique trop intense. Rendez-vous cet automne pour applaudir ses prouesses vocales que les spectateurs du Nice Jazz Festival ont déjà pu apprécier en juillet 2025.
Dates à retenir :
- 15 octobre 2025 à Tourcoing
- 16 octobre 2025 à Paris (New Morning)
- 17 octobre 2025 à Nancy.
⇒ Le site de Tyreek McDole.
Titres diffusés cette semaine :
- « The Umbrella Man » par Tyreek McDole (Artwork Records)
- « The Sun Song » par Tyreek McDole (Artwork Records)
- « Wongolo Wale » par Tyreek McDole (Artwork Records)
- « Everyday I Have The Blues » par Tyreek McDole (Artwork Records).
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