Chronique de Jean-Baptiste Placca

Lueurs d’espérance

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Le « Pritzker », prestigieuse marque de reconnaissance, qui passe pour le « Nobel » d’architecture, vient d’être décerné, pour  2022, au Burkinabè Diébédo Francis Kéré. Son pays en sort grandi. L’Afrique aussi.

Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020.
Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020. © RFI/Pierre René-Worms
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Le Burkina, toujours à la Une de l’actualité. Et cette semaine, c’est pour le meilleur, puisque le Pritzker, considéré comme le « Nobel » d’architecture, vient d’être décerné à Diébédo Francis Kéré. Son œuvre, au Faso, en Afrique et de par le monde, lui vaut d’être salué comme un pionnier de l’architecture durable. Comment expliquer l’enthousiasme que semble soulever sa distinction, bien au-delà de son Burkina natal ?

Au-delà de sa seule personne, la simplicité, l’humilité et la probité intellectuelle qu’affiche Diébédo Francis Kéré sont quelques-uns des signes distinctifs du peuple burkinabè. Avant que l’on ne commence à bomber le torse à Ouaga, il faut préciser qu’à cette règle, il y a tout de même quelques exceptions, évidemment !

Il n’empêche. C’est toujours un bonheur, pour les peuples africains, de découvrir de nouvelles figures talentueuses et convaincantes, avec ces qualités essentielles que sont la simplicité, l’humilité, l’empathie. Ce bonheur est d’autant plus grand, lorsqu’il survient pendant que d’autres, avec une inébranlable constance, s’évertuent à semer le désarroi au sein des populations, à jeter le discrédit sur l’Afrique.

Par le choix des matériaux, cet architecte montre que les populations, y compris dans les hameaux les plus reculés, ne dormaient pas nécessairement à la belle étoile, avant que n’arrive la modernité. Comme pour faire comprendre que l’argent, la ruse et l’imposture n’auront pas le dernier mot sur ce continent. Et si, en dépit de tout ce qu’elle subit ou s’inflige, l’Afrique regorge encore de femmes et d’hommes d’une telle qualité, d’un tel talent, avec autant de simplicité et d’humilité, alors, il y a de la place pour nos certitudes d’espérance !

A quoi reconnaît-on, aussi vite, de telles qualités chez un homme que l’Afrique découvre à peine ?

Il y a des signes qui ne trompent pas. D’abord, la naissance de l’œuvre architecturale. Commencer par une école, dans son village, en sachant le peu de chance qu’il y avait de voir les projecteurs arriver un jour jusque dans ce petit coin de terre qui l’a vu naître, relève du pur désintéressement. Aujourd’hui, l’on ne parle plus de l’homme et de son œuvre, sans commencer par citer cette petite école, construite par les habitants de Gando, avec des matériaux locaux. Bénin, Kenya, Mali, Mozambique, Soudan, Togo, la signature de l’architecte illumine l’Afrique dans toute sa diversité, Sans compter l’Europe, l’Amérique du Nord… Mais, quelle que soit la splendeur de ce qu’il a pu réaliser ensuite, la vedette sera toujours l’école du village, et cette marque de fabrique que l’on nomme architecture durable.

Le lycée Schorge au Burkina Faso, l'une des réalisations de l'architecte Francis Kéré.
Le lycée Schorge au Burkina Faso, l'une des réalisations de l'architecte Francis Kéré. © AP/Francis Kéré

Pourquoi donc Diébédo Francis Kéré convainc-t-il d’emblée ?

Probablement parce que les valeurs qui lui servent de viatique dans son travail conviendraient si bien à la vie des nations africaines qui voudraient avancer. « Ce n’est pas, dit-il, parce que l’on est riche que l’on devrait sombrer dans le gâchis. Ce n’est pas parce que l’on est pauvre qu’il faut se complaire dans la médiocrité. Les pauvres ont droit à la beauté, à la qualité, autant que les riches ».

Avec la même précision qu’il met dans les formes des bâtiments et autres immeubles qu’il construit, cet architecte donne l’impression de parler à l’âme des peuples, lorsqu’il parle de ses œuvres. Et il le fait de manière touchante, avec des mots simples, l’expression précise, sensée, pour expliquer l’esprit de ce qu’il conçoit. De l’Assemblée nationale, en jachère à Ouaga, il dit qu’il est « un emblème à donner à la démocratie, un lieu qui hébergera un idéal ». « J’espère, insiste-t-il, qu’il y aura, un jour, des dirigeants qui comprennent cette nécessité ».

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