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Laurence Ndong, ministre gabonaise: «Il y a mieux à faire que de supputer sur la candidature du général Nguema»

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Au Gabon, les autorités militaires, qui ont pris le pouvoir le 30 août, ont annoncé la semaine dernière que la prochaine présidentielle pourrait se tenir en août 2025. Mais ce calendrier est-il ferme et définitif ? Et le chef de la transition, le général Oligui Nguema, a t il l'intention de se présenter à cette future élection ? Du temps du régime d'Ali Bongo, Laurence Ndong était une figure de l'opposition au sein de la diaspora gabonaise en France. Aujourd'hui, elle est ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement gabonais. De passage à Paris, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Laurence Ndong lors d'une conférence-débat intitulée «Multinationales & Démocratie Afrique».
Laurence Ndong lors d'une conférence-débat intitulée «Multinationales & Démocratie Afrique». Laurencendong.com
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RFI : La semaine dernière, le porte-parole des militaires au pouvoir, le lieutenant-colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, a annoncé que la transition durerait 2 ans et que les élections auraient donc lieu en août 2025. Est-ce que, par cette annonce, vous souhaitez rassurer à la fois les démocrates gabonais et toute la communauté internationale qui craignait une transition militaire interminable ?

Laurence Ndong : Il faut déjà dire que le chronogramme annoncé par le Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI) l’est à titre indicatif. Il y aura une concertation nationale, un dialogue national sera convoqué. Donc, c’est à l’issue de ce dialogue national évidemment que les Gabonais, après avoir fait le constat de ce qu’il y a à faire, décideront en définitif de la durée de transition. Toutefois, un chronogramme indicatif a été donné pour que ceux qui nous regardent, en commençant par les Gabonais parce que c’est d’abord une affaire gabono-gabonaise, comprennent bien que les militaires ont un objectif : c’est bien celui de restaurer véritablement toutes les institutions et permettre d’aller vers des élections libres et transparentes. Pour ce qui est de la communauté internationale, elle s’inquiète de voir les militaires s’éterniser au pouvoir. Mais les Gabonais auraient aimé qu’elle s’inquiète tout autant de voir la famille Bongo au pouvoir pendant 60 ans. Elle ne s’est pas inquiétée de voir Ali Bongo voler les élections en 2009, les voler en 2016 malgré le rapport de la Mission d’observation de l’Union européenne qui avait bien dit que l’élection avait été fraudée, malgré les deux résolutions votées par le Parlement européen demandant des sanctions contre le régime d’Ali Bongo. Donc, cette communauté internationale ne s’est pas inquiétée lorsque les Gabonais croupissaient sous un régime qui les a asservis, avilis et qui a pillé le pays pendant tout ce temps. Alors la transition durera le temps que les Gabonais auront décidé qu’elle dure. L’histoire nous offre une formidable opportunité de pouvoir nous arrêter et remettre notre pays sur les bons rails. Nous n’allons pas nous précipiter, nous n’allons pas bâcler cette opportunité de l’histoire pour plaire à on ne sait qui.

Vous ne voulez pas plaire à « on ne sait qui », mais vous êtes tout de même suspendus par l’Union africaine. Est-ce que vous n’avez pas intérêt à renouer avec certaines organisations internationales pour sortir de cette mise en quarantaine et pour faire revenir l’argent ? Les États-Unis par exemple ont suspendu la totalité de leur aide à votre pays…

Ils n’ont pas suspendu la totalité de l’aide. Il faut comprendre que ce qui s’est passé au Gabon, c’est que ce n‘est pas un coup d’État. C’est un coup de libération et nous n’arrêtons pas de le dire. Et notre président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a pris son bâton de pèlerin et est allé rencontrer tous ses homologues de la CEEAC [Communauté économique des États de l'Afrique centrale, NDLR] pour qu’ils comprennent bien la situation qui s’est passée au Gabon. C’est une prise du pouvoir par les militaires pour libérer le pays. Les militaires se sont rangés du côté du peuple. Et ça aujourd’hui, tous les observateurs le comprennent bien. Les homologues de la CEEAC l’ont compris. L’Union africaine a fait une condamnation de principe, mais aujourd’hui elle comprend. Les États-Unis pareil, le dialogue a repris avec les États-Unis et même une partie de la coopération aujourd’hui a bel et bien repris. Les relations ne se sont pas arrêtées au-delà de la condamnation de principe.

D’après la charte de transition, aucun acteur de celle-ci ne pourra être candidat à la présidentielle de 2025, ni le Premier ministre Raymond Ndong Sima ni vous-même par exemple Madame la Ministre. Personne ne pourra être candidat sauf un homme, le numéro un de la transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, parce qu’il serait au-dessus de la mêlée. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ce que je pense, c’est que c’est bien que ceux qui sont dans le gouvernement n’aient pas un double agenda, qu’ils ne soient pas là en se disant : je profite de ma position dans le gouvernement de transition pour préparer l’après et me présenter à l’élection présidentielle. Maintenant que le président, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, puisse être candidat ou veuille être candidat, pourquoi cela gênerait si l’élection est libre et transparente, et si les Gabonais choisissent librement. Le problème ne se pose pas en réalité.

Mais si le général Brice Clotaire Oligui Nguema se présente dans deux ans, est-ce qu’il ne risque pas de trahir sa promesse de rendre le pouvoir aux civils ?

On ne peut pas anticiper sur ce qu’il fera. Ce qui nous dérange nous les Gabonais, c’est que, pendant près de 60 ans, les Gabonais ont été en proie au régime des Bongo qui a martyrisé les Gabonais et ça n’a inquiété personne. Mais à peine les militaires prennent le pouvoir, tout le monde fait comme si c’était l’hécatombe, ‘les militaires vont rester au pouvoir’, etc. Mais en réalité, ce qui se passe aujourd’hui pour les Gabonais est salutaire par rapport à toutes les autres années qu’ils viennent de passer. Les dernières quatorze années ont été les pires. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema a fait ce qu’il fallait faire. Aujourd’hui, il est considéré par les Gabonais comme un messie, comme un bienfaiteur. Les Gabonais commencent même à appeler à sa candidature. Donc, pour l’instant, ce que nous voulons, c’est que notre pays soit remis sur les bons rails. Et si les civils veulent que le général Brice Clotaire Oligui Nguema se présente, il est encore libre, il peut refuser. Il n’a pas déclaré sa candidature, il n’a jamais dit s’il sera candidat ou pas. Donc ce n’est pas le moment de supputer là-dessus. Je pense qu’il y a mieux à faire que de supputer sur la candidature éventuelle du général Brice Clotaire Oligui Nguema.

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