Recep Tayyip Erdogan célèbre la victoire en Azerbaïdjan
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Le président turc Recep Tayyip Erdogan est venu célébrer, jeudi 10 décembre 2020 à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, la victoire de son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev sur l’Arménie dans le conflit du Haut-Karabakh. Et la question que l’on se pose : le président Erdogan venait-il célébrer aussi sa propre victoire ?
Et bien la réponse est plutôt oui. Cette victoire de l’Azerbaïdjan est quand même un peu celle d’Ankara : sans l’aide politique, logistique, voire militaire de la Turquie, même si Erdogan dément toute implication directe, la victoire de Bakou n’aurait sans doute pas été possible.
Les drones turcs notamment, et les centaines de miliciens syriens pro-turcs, ont aidé de manière décisive l’Azerbaïdjan à prendre sa revanche sur le conflit des années 1990. À cette époque, Bakou non seulement n’avait pas récupéré le Haut-Karabakh, mais avait cédé aux Arméniens un glacis de territoires autour de l’enclave, sept provinces, dont Bakou vient de récupérer une partie.
Victoire donc, mais pas complète tout de même du point de vue azerbaïdjanais, car le Haut-Karabakh, même amoindri et affaibli, reste aux mains de l’Arménie. Alors est-ce pour cela que Erdogan a déclaré jeudi que « la lutte de l’Azerbaidjan contre l’Arménie n’est pas terminée » ?
Et bien peut-être. En tout cas, le message délivré à Bakou est clair : la Turquie veut renforcer les liens avec l’Azerbaïdjan, ce pays frère, et on ressort le slogan « une nation, deux États », entre ces deux pays turcophones et musulmans.
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Une visite qui consacre la montée en puissance de la Turquie dans le Caucase. Mais attention, Erdogan ne doit pas aller trop loin, au risque de mécontenter l’autre puissance régionale qui compte dans la région, la Russie. Moscou ne devrait pas apprécier qu’ait été montré lors du défilé militaire à Bakou des chars pris à l’Arménie, des chars de fabrication russe.
Attention aussi à l’aide économique : la Turquie aide l’Azerbaidjan à acheminer les exportations d’hydrocarbures vers l’Europe, en contournant la Russie. Premier signe d’ailleurs peut-être de cet agacement russe : Moscou a suspendu l’importation de tomates azerbaidjanaises vers la Russie. La tomate qui est la deuxième production phare de l’Azerbaïdjan, après le pétrole.
Et pendant ce temps, en Arménie, la situation politique reste très tendue. La colère ne se calme pas. De nombreux Arméniens estiment qu’ils ont été trompés sur la réalité de la situation militaire pendant le conflit par le gouvernement du Premier ministre Nikol Pachinian.
Ils sont humiliés, et la visite de Erdogan à Bakou ne peut que renforcer leur inquiétude, celle notamment d’être pris en étau entre deux pays turcophones et musulmans dont les liens viennent de se resserrer fortement. L’Arménie est désormais en position de faiblesse, défaite militairement, abandonnée de facto par ses protecteurs occidentaux, États-Unis et France. Et contrainte de se réfugier sous le parapluie russe.
Ce qui encourage les adversaires du Premier ministre arménien, qui sont pro-russes, à faire entendre leur voix et à demander la démission de Nikol Pachinian. Ce serait alors le retour des élites favorables à Moscou - ce qui ne peut pas déplaire à Vladimir Poutine.
Monsieur Pachinian, jusqu’ici, a réussi à se maintenir au pouvoir, mais pour combien de temps ? La question est clairement posée aujourd’hui.
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