Retour sur les tensions actuelles entre la Russie et l’Ukraine qui connaissent une forme d'apaisement depuis jeudi soir. Plus largement, les crispations entre la Russie et les pays occidentaux – États-Unis et Union européenne, se focalisent sur l’Ukraine, mais aussi sur le sort réservé à l’opposant Alexeï Navalny, ou encore les accusations d’attaques de cyberattaques par les Russes. Mais quel est l’objectif poursuivi par Vladimir Poutine ?
Eh bien on peut dire que le président russe poursuit un double objectif : consolider son pouvoir en interne et affirmer la puissance de son pays vis-à-vis de l’Occident. En interne, après plus de 20 ans de pouvoir quasiment ininterrompu, il cherche à pérenniser un système autoritaire et fort peu démocratique. D'où le traitement sévère infligé à l’opposant Alexeï Navalny, preuve en creux d'une certaine nervosité et donc faiblesse du système Poutine.
Il y a chez lui une forme de rejet du système de démocratie libérale que les Américains et les Européens ont cherché à imposer à marche forcée à la Russie post-soviétique dans les années 90. Une imposition d’un modèle étranger qui a mené selon lui au chaos social et économique, et à l’affaiblissement du pays sur la scène internationale. À son rapiècement également, puisque le fameux glacis des pays dits frères de l’URSS a volé en éclat au moment du démantèlement de l’Union soviétique.
La tension comme stratégie
Arrivé au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine a d’abord essayé la manière douce avec Bruxelles et Washington. Mais le résultat de cette approche conciliante fut l’adhésion de certains de ces ex-pays frères à l’Otan, l’organisation militaire chapeautée par les États-Unis.
Dès lors, Poutine a été convaincu ou s’est convaincu – difficile à dire –, qu’il fallait se méfier de cet Occident faussement doucereux et excessivement donneur de leçons. Et peu à peu, Poutine a estimé que pour recouvrer la grandeur perdue de son pays, c’était la stratégie de la tension qui payait face à cet Occident arrogant. Quand il a pu, il a taillé des croupières aux positions étasuniennes ou européennes – en Syrie notamment – et s’est rapproché de pays considérés comme hostiles ou rétifs aux injonctions occidentales – on peut citer l’Iran ou la Turquie.
Parallèlement, dans ce qu’il considère comme l’étranger proche, il a cherché et parfois réussi à rétablir la mainmise de Moscou – en particulier dans des régions peuplées de russophones. Cette approche explique en grande partie le jeu russe vis-à-vis de l’Ukraine : annexion de la Crimée en 2014 et soutien aux séparatistes russophones du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Et même, comme ces derniers jours, déploiement de troupes russes à la frontière entre les deux États. Résultat : la tension monte, les déclarations occidentales se font plus dures.
Gagner du temps face à l'Otan
Lui attend ce pic de tension pour amorcer un début de désescalade, en annonçant un retrait de ses troupes. Faire peur, jauger l’adversaire, puis se radoucir – mais pour consolider sa position. Telle est la stratégie poutinienne – qui fait aussi passer un message on ne peut plus clair : pas question de s’en prendre à des russophones, pas question – car c’est là son obsession, que l’Ukraine rejoigne le camp occidental en adhérant à l’Otan ou même en passant un accord d’association avec l’Union Européenne. Ça pour Poutine, c’est une ligne rouge, c’est « niet ».
Et de fait, sans rompre un dialogue musclé avec l’Ouest, il obtient de facto quelque chose. L’adhésion de Kiev à l’Otan est ainsi devenue un sujet très sensible, et même le rapprochement avec Bruxelles. Bref il a réussi son coup : gagner du temps et contrecarrer les plans des Américains, des Européens... et des Ukrainiens. Mais rien n’est réglé.
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