Le fact-checking face à la désinformation: une lutte asymétrique
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Plusieurs initiatives de fact-checking ont vu le jour en 2021. C’est le cas du média en ligne Fact & Furious. Récemment, le site a failli mettre la clé sous la porte avant d’être sauvé par sa communauté. La preuve pour l’un de ses cofondateurs, Antoine Daoust, que le public a plus que jamais besoin de ce travail de vérification.

Depuis sa création en février 2021, Fact & Furious propose gratuitement des articles, des enquêtes et des vidéos de fact-checking avec un objectif : lutter contre la désinformation. Mais ce travail à un coût et les revenus générés par la publicité ne suffisent pas à faire fonctionner la rédaction. Le média lance alors un appel aux dons le 25 novembre et récolte plus de 15 000 euros. Une participation des internautes indispensable à la survie du site, affirme son cofondateur Antoine Daoust :
« Aujourd’hui, l’information coûte cher et c’est souvent difficile de pouvoir vivre de ce métier. En juillet, nous avions formulé une demande de bourse auprès du ministère de la Culture, qui a refusé. Donc on dépend vraiment de la générosité des internautes. C'est pour eux que nous sommes là et c’est grâce à eux. »
À l’opposé du fact-checking, la désinformation est facile à produire. Elle profite en plus d’un environnement numérique qui lui est favorable pour accumuler les clics et les revenus publicitaires.
« On aime dire que le mensonge prend l'ascenseur et que la vérité prend l’escalier. De récentes études ont montré qu’il fallait environ 18 heures pour qu’une information puisse être vérifiée. En plus, les infox vont générer beaucoup plus d’interactions sur les réseaux sociaux, et donc d’affichages publicitaires. »
Des biais cognitifs
L’autre différence majeure entre les propagateurs d’infox et ceux qui la traquent, c’est la méthodologie. Quand les uns cherchent à conforter leur(s) biais, les autres cherchent, au contraire, à s’en débarrasser pour s’en tenir aux faits. Antoine Daoust explique qu’il est important d’amorcer son travail sans a priori.
« Notre démarche consiste avant tout à montrer que l’information qui nous est présentée est vraie. À la base, il y a toujours un doute rationnel. On ne cherche pas tout de suite à démontrer que c’est faux. Une fois qu’on a cherché si c’est vrai et si c’est faux, on met tout ça dans la balance qui généralement, ne penche que d’un seul côté. »
Tout ce processus demande du temps. Prenons comme exemple un des récents sujets traités par Fact & Furious sur une vidéo affirmant que les personnes vaccinées émettent un signal bluetooth, et ce même après leur mort. Antoine Daoust se livre d’abord à une analyse précise de ce qui apparaît à l’image. Puis, il fait appel à un ingénieur en microélectronique pour connaître l’avis d’un expert. Celui-ci explique que c’est techniquement impossible et s’appuie sur des documents techniques très complets. Une analyse du profil de l’auteure de la publication montre qu’elle suit elle-même des sites conspirationnistes. Si cette dernière indication ne permet pas d’aboutir à une conclusion sur la véracité de l’information, elle vient corroborer la démonstration technique.
Prévenir plutôt que guérir
Si ce travail peut venir en aide à des internautes en quête de vérité, les adeptes des théories conspirationnistes, enfermés dans leur bulle, y sont généralement peu sensibles, comme l'affirme Antoine Daoust.
« C’est compliqué de faire sortir les gens de la désinformation. Ce qui nous fait plaisir, c’est de recevoir des messages de personnes qui nous expliquent que grâce à notre travail de fact-checking, ne sont pas tombées dans la désinformation. »
Le fact-checking, comme le pratique Fact & Furious, répond à un besoin de plus en plus pressant, notamment du fait de la rapidité de circulation des infox sur les réseaux sociaux. C'est aussi, au final, un retour aux fondamentaux du journalisme.
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