Les dessous de l'infox, la chronique

Subtilités diplomatiques et mésinformation sur la crise ukrainienne

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Une présence militaire russe renforcée aux frontières de l’Ukraine, des manœuvres militaires conjointes en Biélorussie, tous les ingrédients sont réunis pour faire monter la tension en Europe. D’où l’intense ballet diplomatique mené par la France qui préside jusqu'en juin l’Union européenne. Mais quand la désinformation s’en mêle, il devient difficile de se faire une idée de la situation réelle.

Le président français Emmanuel Macron (à droite) rencontre le président russe Vladimir Poutine (à gauche) à Moscou, le 7 février 2022.
Le président français Emmanuel Macron (à droite) rencontre le président russe Vladimir Poutine (à gauche) à Moscou, le 7 février 2022. © SPUTNIK / AFP
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Au summum des tensions entre la Russie et l’OTAN, l’information est précieuse mais les infox prolifèrent. On a pu voir toute la palette de la mésinformation se déployer sur les réseaux sociaux à propos des résultats obtenus ou non par Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec le président Poutine. Erreurs d’interprétation plus ou moins volontaires, subtilités diplomatiques mal comprises, extrapolations à partir de déclarations officielles quand ce n’est pas citations inventées. A titre d’exemple, la citation plus qu’approximative faite par le président de l’Union populaire républicaine, François Asselineau, candidat potentiel à la présidentielle, invité sur RFI jeudi 10 février, le jour même du coup d’envoi des manœuvres en Biélorussie.  

Macron a dit qu’il avait obtenu du président Poutine l’arrêt des manœuvres militaires etc… il a été démenti dans la minute par le Kremlin, c’est-à-dire qu’il est apparu comme un affabulateur

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Pierre Asselineau invité sur RFI le 10 février 2022

Or le président Macron n’a jamais dit cela, cette citation n’apparaît nulle part. Les manœuvres ont démarré comme prévu le 10 février pour dix jours. Jamais Emmanuel Macron n’a demandé aux Russes d’y renoncer. Ce que le président français affirme avoir obtenu ce sont des gages qu’il n’y aurait pas d’escalade supplémentaire.

Quant au démenti du Kremlin évoqué par monsieur Asselineau, il s’agit en fait d’une mise au point du porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov qui réagissait le 8 février, aux allégations selon lesquels le président russe aurait fait des concessions et accepté qu’il n’y ait pas de nouvelles initiatives militaires aux abords de l’Ukraine. C’est un démenti qui vise certaines interprétations des résultats de cette rencontre.

Le candidat François Asselineau n’est pas seul à relayer des citations erronées, attribuées à tort à Emmanuel Macron mais aussi à ses interlocuteurs russes. On citera le tweet de l’avocat Juan Branco qualifiant la séquence diplomatique de « mascarade électoraliste » et relayant le démenti du Kremlin de façon trompeuse.

Une communication trop volontariste de la part de l’Elysée ?

Il est évident que l’Elysée a souhaité tirer le meilleur parti de ces efforts de médiation. Le fait d’avoir laissé entendre que le président Macron aurait reçu l’assurance que les troupes russes rentreraient une fois les manœuvres terminées, comme suggéré par un conseillé de l’Elysée, était une façon inexacte de présenter les choses.  C’est ce qui a poussé le Kremlin à rectifier :  il n’y aurait pas eu de nouvel engagement explicite de Vladimir Poutine sur ce point, car il a toujours été prévu que ces troupes retournent à un moment ou un autre sur leurs bases en Russie après les manœuvres en Biélorussie. « Personne n’a jamais dit qu’elles resteraient » a rappelé le porte-parole Dmitri Peskov cité par Reuters le 8 février dernier, à l’issue de la rencontre.

« Les annonces de manœuvres ont été faites qui dureront jusqu’au 20 février », a constaté ce jeudi 10 février Jean-Yves le Drian sur la radio publique France Inter. Tout en se disant préoccupé par ce qu’il qualifie comme « un geste d’une grande violence », le chef de la diplomatie française a réaffirmé « On peut imaginer que lorsque la date est aboutie, les force se retirent, on verra à ce moment-là si c’est le cas (…)On verra s’il y a ou pas un processus de désescalade qui sera mis en œuvre. »

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