Les exportations de céréales ukrainiennes visées par la propagande russe
Publié le :
Les présidents russe et turc se rencontrent ce vendredi 16 septembre au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, à Samarcande en Ouzbékistan. Au menu des discussions, les accords d’Istanbul qui permettent l’exportation des céréales ukrainiennes, et qui sont de plus en plus contestés par le Kremlin. Vladimir Poutine affirme, à tort, que la majorité de ce blé et de ce maïs fait chemin vers l’Europe, et non pas vers les pays pauvres.

Vladimir Poutine parle d’une véritable « tromperie », d’une « attitude grossière ». Il a assuré lors du Forum économique de l'Est à Vladivostok que « presque toutes les céréales exportées d'Ukraine sont envoyées non pas aux pays les plus pauvres, mais aux pays de l'Union européenne ».
Un discours que le président russe a une nouvelle fois tenu lors d’un entretien téléphonique le mercredi 14 septembre avec António Guterres, le secrétaire général des Nations Unies.
Le chef du Kremlin s’appuie sur un chiffre, 3 %. C’est, selon lui, le pourcentage de céréales ukrainiennes qui a été jusqu’ici exporté aux pays pauvres.
De son côté, l’Ukraine réfute ces accusations. « Les mensonges des Russes sur l'envoi des céréales ukrainiennes uniquement en Europe ne correspondent tout simplement pas à la réalité », a réagi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
30 % des cargos vers des pays pauvres
Les dernières données fournies par le Centre de coordination conjointe (CCC) d'Istanbul, l’instance qui supervise les exportations ukrainiennes dans le cadre du corridor maritime de la mer noire, contredisent la version de Vladimir Poutine. En réalité, 36 % de ces céréales ont été exportées vers les pays européens et 17 % vers l'Afrique. L’organisme ajoute que 30 % des cargos sont allés vers des pays à faible revenu.
Dans le détail, les premiers pays destinataires de ces livraisons sont la Turquie (20 %), l'Espagne (15 %), l'Égypte (10 %), la Chine (7 %) et l'Italie (7 %).
Arthur Portier, est expert en matières premières au cabinet Agritel : « Lorsque Vladimir Poutine affirme que la majorité des céréales vont en Europe c’est faux, puisque l’Europe représente 36% des exportations avec, en majorité, du maïs. Au total, 90% du blé exporté de l’Ukraine part hors de l’Union Européenne. »
Il ajoute : « C'est important qu’une partie des céréales parte dans les pays européens afin d’assurer la stabilité des prix sur les marchés. De son côté, la Turquie importe beaucoup pour transformer les céréales puis les exporter. L’autre partie part pour les pays les plus démunis pour leur sécurité alimentaire ». Les pays européens ne s'accaparent donc pas les céréales ukrainiennes.
Une infox diffusée au Sénégal
Ce récit fallacieux ne date pas de la déclaration de Vladimir Poutine. Dès le 2 septembre, l'ambassadeur de Russie au Sénégal, Dmitry Viktorovich Kourakov, avance ce narratif lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision sénégalaise ITV. Il affirme qu’un seul bateau rempli de céréales est arrivé en Afrique, selon lui en Éthiopie, avec 22 tonnes de maïs périmées, auparavant refusées par le Liban.
Immédiatement ses propos sont repris sur les réseaux sociaux. Ils circulent sur Facebook, Twitter et Whatsapp. Ils servent notamment à accuser l’Ukraine et les pays européens d’entretenir la faim dans le monde.
S'il y a bien eu un navire destiné au Liban, le Razoni, où l’acheteur s'est finalement rétracté à cause de la mauvaise qualité des céréales, les grains ont été livrés pour partie en Turquie, puis en Syrie au port de Tartous.
L’Éthiopie a bien reçu 23 000 tonnes de blé, de bonne qualité, le 30 août dernier, livrées par le Brave Commander.
Les cours des céréales en hausse
En faisant mine de plaider pour les pays pauvres, Vladimir Poutine, par ses déclarations, jette le trouble sur les marchés. La conséquence c’est que les acteurs économiques s'interrogent sur la viabilité des accords d’Istanbul. Une incertitude à l’origine d’une forte hausse des cours ces derniers jours.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne