Guerre Israël-Hamas: les réseaux sociaux envahis par la désinformation
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Des civils abattus en pleine rue, des cadavres jonchant les trottoirs, des blessés coincés sous les décombres… Les images d’horreurs ont inondé les réseaux sociaux depuis l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, samedi 7 octobre 2023. Profitant de l’émotion et de la sidération, certains internautes partagent aussi de nombreux contenus trompeurs. Une désinformation d’une ampleur sans précédent, qui ajoute à la confusion.

Il n’aura pas fallu attendre pour observer la désinformation autour de cette guerre. Dès les premières heures de l’attaque du Hamas, des infox autour des événements en cours se répandent déjà sur les réseaux sociaux et messageries privées. La sidération des internautes face à la violence des images est alors un contexte particulièrement propice à la propagation de fausses informations.
Dans la matinée du samedi 7 octobre, plusieurs vidéos, parfois vues plusieurs millions de fois, affirment par exemple que le Hamas aurait abattu des hélicoptères israéliens au-dessus de la bande de Gaza. Les images sont impressionnantes. Sur l’une d'entre elles, on voit un homme abattre un appareil à l’aide d’un missile sol-air, sur l’autre, deux appareils sont touchés en plein vol.


En réalité, ces deux vidéos n'ont rien à voir avec la guerre entre Israël et le Hamas. Elles sont tirées d’un jeu vidéo, Arma 3, réputé pour son réalisme. On retrouve les clips en question diffusés sur YouTube bien avant le conflit. Un procédé de désinformation déjà largement documenté depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Ce qui a poussé le développeur à réagir : « C'est décourageant pour nous de voir le jeu que nous aimons tous être utilisé de cette façon. Bien que nous ayons trouvé des moyens de résoudre ce problème de manière assez efficace en coopérant étroitement avec les principales agences de vérification des faits, nous ne pouvons malheureusement pas l'atténuer entièrement. »
D’autres publications affirment aussi montrer une trentaine de parachutistes du Hamas en plein vol au-dessus d’Israël. Si le mouvement islamiste a bien utilisé des paramoteurs pour son attaque, cette vidéo n’a pas été prise en Israël, contrairement à ce qu'affirment de nombreux internautes.

Grâce à une géolocalisation de la scène réalisée par le journaliste Mohammed Zubair, on sait qu’il s’agit d’un exercice militaire filmé en Égypte. En effet, on reconnaît l'Académie militaire d'Al Matar, El Nozha, au Caire, en Égypte.
Les victimes, autre cible des infox
Au-delà du mode opératoire de l'attaque du Hamas, la désinformation vise aussi les victimes de cette guerre des deux côtés. Pour minimiser le bilan humain de l'attaque du Hamas, certains internautes avancent qu’Israël mettrait en scène des cadavres. Leur supposée « preuve » est une vidéo de trente secondes dans laquelle on voit un jeune homme au sol, entouré de civils et de militaires, en train de faire le mort pendant qu’une équipe de tournage filme la scène.

En réalité, cet extrait a été filmé lors de la réalisation d’un court métrage palestinien intitulé Empty Place, réalisé par Awni Eshtaiwe et publié sur YouTube le 18 avril 2022.
Ce narratif de la mise en scène des victimes est aussi utilisé pour minimiser les victimes des bombardements israéliens sur la bande de Gaza. Encore une fois, la vidéo à l'appui de cette infox est sortie de son contexte. On y voit plusieurs hommes couchés par terre, sous des draps blancs, avec du monde autour. Certains bougent et rigolent. Le commentaire de la publication ironise et ajoute : « Voici pourquoi ils n’ont pas gagné d’Oscar » avec le hashtag « Palestine ».

Mais ces images n’ont rien à voir avec les bombardements en cours sur la bande de Gaza. Vérification faite, la vidéo date de 2013. Elle montre une action militante organisée par des étudiants égyptiens pour protester contre le gouvernement en place à l'époque.
La responsabilité des réseaux sociaux
Ce torrent de fausses informations soulève de nombreuses questions sur la responsabilité des réseaux sociaux car si chaque conflit a droit à son lot d'infox, la manipulation des images autour de cette guerre atteint des records. C’est d’autant plus grave que sur Facebook, TikTok et X (ex-Twitter) notamment, la plupart des fausses informations épinglées et vérifiées sont encore en ligne. C’est la raison pour laquelle le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a rappelé les patrons de ces plateformes à leurs obligations. Il a réclamé la suppression de tous les contenus signalés comme illégaux et annoncé l’ouverture d’une enquête contre X (ex-Twitter) pour désinformation.
L'Union européenne fait pression sur ces réseaux sociaux pour supprimer tout contenu illégal de leurs plateformes et se conformer à la réglementation sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA, en anglais) entré en vigueur cet été et qui doit encadrer les activités des géants du numérique, sous peine de sanctions.
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