Malawi: une presse sous pression, un débat présidentiel appauvri
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Au Malawi, enquêter sur la corruption coûte cher. Le journaliste Gregory Gondwe en a fait l’amère expérience. Une fragilité structurelle qui a pesé sur la couverture de la présidentielle.

« La première enquête qui m’a mis en difficulté, c’est celle où nous avons tenté d’exposer une affaire de corruption facilitée au sein du bureau du procureur général ». En 2020, Gregory Gondwe, journaliste d'investigation révèle un document secret liant le procureur général au sulfureux homme d’affaires Zuneth Sattar, accusé d’avoir corrompu de nombreux ministres. La riposte est brutale. « Le procureur général a envoyé les forces de l’ordre perquisitionner nos bureaux. Ils les ont mis à sac, m’ont arrêté, et ils ont aussi saisi mes téléphones et mes ordinateurs pour essayer de découvrir qui était ma source », dit-il.
Un témoignage qui illustre la persistance des menaces contre la presse au Malawi. Gregory a dû fuir le pays sous la menace des services de renseignement. Il dénonce une culture d’impunité inchangée, quel que soit le régime en place. « En tant que plateforme pour le journalisme d’investigation, nous sommes presque les seuls à révéler des malversations au sein du gouvernement, donc c’est nous qui en faisons les frais… La plupart des autres médias diraient le contraire car eux préfèrent garder un ton consensuel. Sur le papier, on pourrait croire que la presse est libre, mais si elle n’a pas d’ennuis avec le gouvernement, c’est parce qu’elle évite de lui poser les questions qui fâchent », explique-t-il.
Cette autocensure a pesé sur la campagne présidentielle
« Le gouvernement a réitéré les mêmes promesses qu’il avait faites il y a cinq ans et jamais tenues. Mais les journalistes n’ont pas posé la question difficile : comment être sûrs que ce n'est pas un mensonge ? ». Officiellement, la couverture médiatique est présentée comme un succès. Le Conseil des médias du Malawi met en avant la formation de centaines de journalistes et l’absence de plaintes majeures durant le scrutin. Mais pour son directeur, Moses Kaufa, la pression est avant tout économique : certains annonceurs, souvent proches de partis politiques, menacent de couper leurs financements si la couverture médiatique leur déplaît. « La publicité a été utilisée comme une arme pour attaquer ou museler les médias au Malawi. Nous voyons comment le monde politique ou économique a essayé d’influencer les journalistes avec des incitations financières. Cela a créé des conflits d’intérêts, empêchant les journalistes de servir pleinement le public. Comme les journalistes sont très mal payés au Malawi, ils essaient de compléter leurs revenus avec ce qu’on leur propose, et cela les rend vulnérables ».
Beaucoup de rédactions restent dépendantes des financements politiques ou privés. Gregory Gondwe, lui, a cofondé une plateforme non lucrative avec d’autres médias indépendants d’Afrique australe, pour solliciter l'aide des fondations internationales. Une piste encore fragile, mais qui incarne l’espoir d’une presse plus libre et indépendante au Malawi.
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