Philippines: Frenchie Mae Cumpio, un dossier monté de toutes pièces et cinq ans de détention provisoire
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Dans une lettre ouverte, 250 journalistes du monde entier demandent la libération de Frenchie Mae Cumpio. Cette jeune journaliste est en détention provisoire depuis cinq ans. Son procès doit reprendre ce lundi 29 septembre aux Philippines.

À 21 ans, Frenchie Mae Cumpio animait des émissions de radio et dirigeait le média d'investigation philippin Eastern Vista. C'est également à cet âge qu'elle a été arrêtée et jetée en prison : elle a aujourd'hui 26 ans. Elle doit ces cinq années de détention provisoire à des accusations de financement du terrorisme et de port d'arme illégal.
Pour Reporters sans Frontières (RSF), il s’agit d’un emprisonnement « politique ».
Des preuves fabriquées par la police, selon un comité
Beh Lih Yi, directrice du Comité pour la protection des journalistes en Asie, évoque également des accusations sans fondement : « Frenchie Mae Cumpio affirme que ses droits juridiques ont été violés. Lors de son arrestation, la police l'a tirée elle et ses co-accusés hors de leur chambre. Pendant ce temps, des armes ont été déposées par la police sur son lit. On les a ensuite interrogés sur ces pièces à conviction une fois ramenés dans la chambre. »
Une des nombreuses irrégularités que l'enquête de RSF confirme. Cette dernière découvre même que Frenchie Mae Cumpio est désormais accusée d'un double meurtre. « Notre enquêteur sur place confirme en plus que les versions des témoins se contredisent avec ce qu’ils ont dit au tribunal, assène Aleksandra Bielakowska, porte-parole au bureau de RSF à Taipei et qui a piloté le cas. Ce seul élément devrait valoir l’arrêt des poursuites. »
Frenchie Mae Cumpio enquêtait sur les abus de la police et de l’armée
Avant son arrestation, la jeune journaliste a également été harcelée et surveillée pendant plusieurs mois. Il s’agit là d’une pratique récurrente de la police philippine, selon Beh Lih Yi : plusieurs cas de « red-tagging » (« étiquetage rouge », littéralement, qui qualifie les opposants politiques de « communistes », « subversifs » ou « terroristes »), concernent aussi les journalistes.
Or, les reportages de Frenchie Mae Cumpio avaient toutes les raisons de déranger l'administration Rodrigo Duterte au pouvoir à l'époque. Elle enquêtait notamment sur les abus de la police et de l'armée.
« Elle écrivait aussi beaucoup sur des enjeux locaux, abonde Beh Lih Yi du Comité de Protection des Journalistes. Elle vient de Tacloban, la ville la plus touchée par le typhon Hayian, l'un des plus gros de l'histoire. Elle faisait son travail de journaliste pour couvrir la reconstruction et mettre en lumière certains des problèmes qui en découlaient pour la communauté. »
« Parodie de justice »
L'instruction de son dossier est donc une « parodie de justice », s'exclame la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la liberté d'expression. Entre-temps, le nouveau président philippin Ferdinand Marcos Jr. a pris ses fonctions. Les associations de journalistes attendent qu'il tienne ses promesses pour améliorer la liberté de la presse dans le pays.
« Il y a certes un nouveau gouvernement central, mais les institutions locales sont plus résistantes au changement et peuvent être mi-démocratique mi-autoritaire, décrit Jos Bartman, responsable des enquêtes chez l'ONG Free Press Unlimited. C'est maintenant plus facile pour la société civile de parler aux autorités de ces sujets-là. Mais on voit que les cas comme ceux de Frenchie Mae Cumpio peuvent encore arriver sous la nouvelle administration, donc nous sommes un peu déçus. »
Le procès de Frenchie Mae Cumpio reprend lundi 29 septembre. Les organisations internationales espèrent que les poursuites seront abandonnées.
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