Reportage Afrique

À l'hôpital du Dr Mukwege, un soutien psy pour le personnel médical

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À Bukavu, l’hôpital du Dr Mukwege va accueillir une chaire de philosophie, humanités et santé. Elle sera menée par la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury avec le concours de l’Agence française de développement (AFD). Objectif : étudier la méthode Panzi pour en trouver des protocoles qui pourraient s’appliquer ailleurs. Un autre aspect très important de cette chaire sera la prise en charge psychologique des soignants de Panzi, durement éprouvés.

L'hôpital Panzi à Bukavu, dans le Sud-Kivu (illustration).
L'hôpital Panzi à Bukavu, dans le Sud-Kivu (illustration). Alain WANDIMOYI / AFP
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Il pleut ce jour-là sur l’hôpital de Panzi. Plus de 55 000 femmes violées – un grand nombre dans le cadre des conflits successifs – ont été soignées ici ces deux dernières décennies. Le chiffre donne le tournis, même au prix Nobel de la paix Denis Mukwege.

« J’étais arrivé à un niveau où je ne supportais plus, raconte-t-il. Quand les femmes me parlaient de leur situation, j’étais incapable. Je voulais juste opérer et ne plus jamais écouter. À un moment, je me disais : "Mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? J’opère, ça ne finit pas." Il n’y a personne qui comprend cette souffrance que les femmes connaissent dans cette région. J’en étais au point de quitter la région. »

Travailler dans ce contexte au quotidien est un véritable défi, assure le Dr Mukwege. « Vous ne pouvez pas soigner quelqu’un qui est traumatisé, qui vous raconte sa souffrance et qui vous amène à partager cette souffrance. Si vous, vous n’êtes pas en forme pour l'accompagner, c’est vous-même qui sombrez dans le trauma. »

À Panzi, les soignants qui ont abandonné, il y en a eu. « Il arrive des moments où nous pétons les plombs... Quand on vous amène un enfant de 17 mois agressé sexuellement, détruit, quand la maman sort avec son enfant, vous restez là à pleurer, à greloter », confie le Dr Alumeti, qui travaille depuis une quinzaine d’années à l’hôpital.

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Un soutien et une prise en charge réclamée par les soignants. « Je crois que le soin des soignants, ça va beaucoup, beaucoup nous intéresser, affirme le Dr Alumeti. Beaucoup de nos collègues ici sont presque malades, ils sont traumatisés. Quand vous écoutez ces histoires, vous les intégrez d’une manière ou d’une autre, c'est ce qu’on appelle le traumatisme vicariant. Donc à un certain moment, vous perdez même la capacité de concentration. Il arrive des moments où j’ai des difficultés à écrire une phrase, un mot. Je suis chercheur, je suis enseignant à l’université. Mais il arrive des fois où je ne suis pas en mesure d’écrire une demi-page. Nous tous, nous allons consulter. Moi-même qui vous parle, je vais consulter. Peut-être je serai le premier malade. »

Aujourd’hui, le Dr Alumeti trouve du soutien et du réconfort dans sa famille, le sport, la musique ou encore la religion.

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