Reportage Afrique

Madagascar: à Belo-sur-Mer, les déplacés Masikoro en situation de grande précarité [3/3]

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Depuis 4 ans, la population de Belo-sur-Mer a presque doublé. Outre les pêcheurs nomades Vezo qui élisent chaque année quelques mois domicile sur les plages de la presqu’île, des habitants de l’intérieur des terres ont commencé à arriver massivement. Ceux qu’on appelle « les migrants Masikoro », du nom de leur ethnie, ont fui l’insécurité grandissante en brousse. S’ils ont toujours bien été accueillis par les Bélusiens, ces nouveaux arrivants continuent de vivre, malgré les années qui passent, dans des conditions extrêmement précaires.

En bordure de Belo-sur-Mer, l'un des multiples campements de migrants Masikoro. Ces familles-là ont fui Marofitsy, un village à une vingtaine de kilomètres de Belo, dans les terres. Ici, pas de latrines, ni eau courante.
En bordure de Belo-sur-Mer, l'un des multiples campements de migrants Masikoro. Ces familles-là ont fui Marofitsy, un village à une vingtaine de kilomètres de Belo, dans les terres. Ici, pas de latrines, ni eau courante. © RFI/Sarah Tétaud
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De notre correspondante à Antananarivo,

À leur arrivée, en 2018, ils se sont installés au milieu des dunes et des épineux, sur un terrain au sud de Belo-sur-mer. Aujourd’hui, ce campement compte une vingtaine de familles Masikoro, toutes provenant du même village à 20 kilomètres de là. Un village quitté précipitamment.

« Les Dahalo (des bandits de la brousse, ndlr) ! Ils nous ont attaqués dans nos maisons et c’est à cause d’eux que l’on est arrivés ici. Les Dahalo, ils détruisent tout sur leur passage et ils tuent même les gens… », explique Adeline, 72 ans, la doyenne du campement. « Ce qu’ils ont pris ? Les marmites ! Les habits ! Les pagnes ! Ils nous ont tout volé. La seule chose qu’on a pu sauver, c'étaient les vêtements qu’on portait sur nous. »

Dans certaines régions de l’île, l’extrême pauvreté et l’absence totale de représentation de l’État ont laissé place à des zones de non droit. Résultat : des migrations massives de population, comme à Belo où plus de 1 500 personnes sont venues trouver refuge. « Depuis qu’on est arrivés ici, nos vies se sont améliorées », constate Bertrand, père de 5 enfants. « Oui, on ne veut plus retourner là-bas », ajoute Adeline. « Maintenant, notre chez-nous, c’est ici. On ramasse les algues. Les hommes pêchent le poisson et le crabe. »

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Pas d'argent et aucune aide de l'État

Seulement, les Masikoro n’ont que peu de connaissances en matière de pêche. Ce que cette ethnie de cultivateurs attrape dans de vieilles moustiquaires transformées en filets suffit à peine à se nourrir. Faute de moyens, aucun jeune n’est scolarisé, explique Bertrand. « Nos enfants sont notre principal problème. On aimerait les scolariser, mais on n’a pas de quoi payer l’école. Aujourd’hui, le système éducatif, ce n’est plus comme avant : sans argent, tu ne peux plus envoyer tes enfants à l’école, même publique… », déplore-t-il.

Pas d’argent et aucune aide de l’État. Le maire de Belo, Solo Fanoina, confirme toutes ces informations. Face à l’absence de budget pour soutenir ces familles et afin de préserver la paix sociale dans la commune, le maire a pris un arrêté en janvier limitant le nombre de migrants. « Pour 2022, on espère 80 familles. Moitié Vezo, moitié Masikoro. Maintenant, c'est trop », s'exclame le maire.

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La mairie s’est aussi engagée à installer des latrines dans les camps pour empêcher la défécation à l’air libre. Avec la réouverture des frontières, Belo-sur-Mer soigne son image et espère bien retrouver son aura touristique d’avant Covid, tout en continuant d’accueillir les persécutés de la brousse.

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