Reportage Afrique

Nigeria: les pêcheuses de Benikrukru réclament des compensations au pétrolier américain Chevron

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Dans le delta du Niger, des milliers de fuites de pétrole détruisent la nature et les modes de vie traditionnels. Les femmes, qui dépendent largement de la pêche, sont en première ligne face à cette pollution. Ce sont elles aussi qui mènent les manifestations pour réclamer de meilleures conditions de vie aux compagnies pétrolières implantées autour de leurs communautés. Benikrukru tente depuis plus d’un an et demi d’obtenir une aide de la compagnie américaine Chevron, après une fuite sur leur territoire.

Depuis un an et demi, la pêche est très maigre pour les femmes du camp de pêcheurs de Benikrukru, pollué par une fuite de pétrole.
Depuis un an et demi, la pêche est très maigre pour les femmes du camp de pêcheurs de Benikrukru, pollué par une fuite de pétrole. © RFI/Liza Fabbian
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Le camp de pêcheurs est niché dans la forêt, au bord de la vaste rivière Escravos. Le cadre pourrait sembler idyllique, mais l’eau est marron, irisée et des galettes noires remontent à la surface. Cela fait un an et demi qu’une fuite de pétrole est venue polluer la rivière et chasser les poissons, mettant en péril la subsistance de Zina et des autres pêcheuses.

« Quand nous avons fondé ce camp de pêcheurs, il n’y avait pas de pétrole ni de pollution. La terre était très propre. Tout le monde appréciait sa beauté, rien n’était encore souillé comme aujourd’hui. Nous pouvions sécher et vendre nos poissons sur les marchés. Nous nous en tirions bien, il y avait des poissons dans nos filets le matin et même l’après-midi. Mais aujourd’hui, nous ne trouvons plus rien », déplore Zina.

Les pêcheuses de Benikrukru ont découvert cette fuite en février 2021. La communauté a rapidement interpellé le géant américain Chevron, qui possède des infrastructures dans cette zone, sans succès. Alors, les femmes des villages affectés par la pollution ont décidé d’occuper trois stations de pompage appartenant à la multinationale.

Chevron a finalement admis une fuite

Stella Johns a pris part à ce mouvement de protestation, qui a duré deux semaines : « Avant, l’eau était propre autour de notre campement, nous l’utilisions même pour laver nos poissons, lorsqu’on revenait de la pêche. Mais c’est terminé maintenant, même lorsque l’on rame loin dans la rivière ! Il n’y a rien à faire, nous souffrons beaucoup. Lorsque nous avons essayé d’interpeller Chevron et d’occuper leurs infrastructures, ils ne nous ont pas rencontrées, poursuit Stella Johns. Ils nous ont simplement envoyé l’armée pour nous intimider et nous poursuivre ! Nous avons faim, mais nous ne pêchons pas autant de poissons qu’auparavant ! »

Après cette manifestation, Chevron a finalement coupé l’approvisionnement en pétrole du pipeline endommagé, mais il a fallu attendre avril 2022 pour qu’une investigation conjointe soit menée. Et si la multinationale a finalement admis que la fuite était sans doute liée à un problème sur ses équipements, aucun accord de compensation n’a pour l’instant été signé, selon Kingsley Ukuli, un leader communautaire.

« Les plongeurs envoyés par Chevron ont fini par repérer la fuite, qui s’échappent selon eux de deux  "trous d’épingle". Mais normalement, il y a un formulaire à remplir dans ces cas-là, pour détailler le problème. Sauf que jusqu’à présent, Chevron n’a pas signé ce document et nous ne savons pas pourquoi. »

La plupart des pipelines qui ont été posés dans les années 60 ou 70 n’ont pas été remplacés depuis et présentent d’importants signes de corrosion selon les défenseurs de l’environnement.

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