Reportage Afrique

Darfour: tensions à El-Geneina, devenue un immense camp de déplacés [1/3]

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Au Soudan, en avril 2019, la chute d’Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide par la Cour pénale internationale, avait représenté une once d’espoir pour les populations du Darfour. Mais c’est l’inverse qui s’est produit : la région qui borde le Tchad est à nouveau plongée dans une spirale de la violence. À El-Geneina, la capitale du Darfour occidental, la tension est vive entre communautés. En décembre 2019 et en janvier 2021, deux attaques successives menées par des miliciens arabes ont visé et rasé le camp de déplacés de Kirinding, principalement peuplé par la tribu Massalit, en périphérie de la ville. Depuis, près de 100 000 personnes sont venues trouver refuge en plein centre-ville. Tous les bâtiments publics ont été reconvertis en centres d’accueil. 

Vue d'El Geneina, au Darfour occidental. Des violences ont eu lieu ici entre nomades arabes et des membres de l'ethnie non arabe Massalit en janvier 2020.
Vue d'El Geneina, au Darfour occidental. Des violences ont eu lieu ici entre nomades arabes et des membres de l'ethnie non arabe Massalit en janvier 2020. © AFP
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De notre envoyé spécial à El-Geneina,

Dans la cour du ministère de l’Éducation d’El-Geneina, des allées de tentes et d’abris de fortune. Plus de 1 000 personnes sont entassées ici, sans espoir pour le moment de retourner vivre chez eux. Zeinab Mohammed a fui le massacre de Kirinding. « Aujourd’hui, on ne peut pas rentrer à Kirinding. Les Arabes ne te laissent pas reconstruire ta maison. La police et l’armée ne peuvent pas nous protéger. Ces Arabes tuent tout le monde et personne ne les empêche. On veut être en sécurité. On veut une protection internationale », demande Zeinab Mohammed.

En juin 2021, le mandat de la mission de l’ONU déployée au Darfour depuis 14 ans a pris fin. Les casques bleus ont plié bagage. Cette force de dissuasion n’était pas non plus parvenue à empêcher les attaques de Kirinding. Depuis, les tensions sont à leur comble entre communautés. Le cheikh Ibrahim, un chef Massalit, déplore un quotidien invivable.

Ici, dans la ville, la guerre c’est 7 jours sur 7. Et aucun représentant de l’État ne bouge le petit doigt. La saison des pluies est à nos portes, mais nous ne pouvons pas aller semer dans nos champs. Le blé qu’on reçoit ne suffit pas. Regarde ces enfants devant toi comme ils sont rachitiques. Même si on essayait de retourner sur nos terres pour cultiver, des milices arabes menaceraient de prendre une partie de nos récoltes. C’est de l’extorsion !

« Tous ont perdu confiance dans le gouvernement »

Dans les bureaux du ministère, convertis en chambres à coucher. Mohammed Ahmad et quatre autres étudiants révisent leurs examens.

L’université est une exception dans la ville. Que tu sois Arabe, Massalit ou Four, on étudie tous ensemble. Mais c’est vrai que dans le reste de la ville, la réalité est toute autre. Les évènements de Kirinding ont suscité de la haine dans le cœur des gens. Aujourd’hui, la ville est segmentée par quartier, chaque tribu de son côté. Tous ont perdu confiance dans le gouvernement. C’est pour ça que les armes circulent massivement. Chacun veut se faire justice lui-même. L’ouest du Darfour est proche de l’effondrement.

Le numéro deux de la junte soudanaise, le général Hemetti, s’est déplacé à El-Geneina pour parrainer des accords de paix entre chefs tribaux affiliés au régime d’el-Béchir. Il a promis de payer de sa poche pour le retour des déplacés. Mais ici personne n’y croit vraiment alors que ses forces étaient impliquées dans les massacres de Kirinding.

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