La marque Chkarty recycle des rideaux et linge de lits en alternatives aux sacs en plastique, qui doivent être progressivement interdits dans le pays depuis deux ans. Le designer de Né, lui, veut faire de la haute couture en donnant une seconde vie aux tenues traditionnelles de mariage. Reportage.

De notre correspondante à Tunis,
À la fripe d’Ezzahara, en banlieue sud de Tunis, il faut venir tôt dans la matinée pour trouver la bonne pièce. Taycyr Chtioui créatrice de la marque Chkarty, se faufile entre les étals de vêtements… « Là, ce qui nous intéresse, c’est le linge de maison pour faire ensuite les sacs Chkarty. Durant la semaine, je fais trois ou quatre fripes pour avoir différents tissus, pour dénicher », explique-t-elle.
Avec d’anciens draps ou rideaux, elle crée des sacs à pain, des tote bags ou encore des emballages alimentaires pour les achats en vrac… Pour ses designs et assemblages, elle se laisse porter par les surprises de la fripe. « Ce bout de tissu, c'est un rideau, je pense, j’ai pris l’autre bout la semaine dernière et là cette semaine, j’ai trouvé le même ». Sa démarche est écologique. « Depuis la naissance de Chkarty, on a valorisé plus de 5 tonnes de tissu », ajoute-t-elle.
Mais elle veut aussi avoir un impact social, comme elle l’explique au sein de son atelier et showroom à la Marsa, à Tunis : « Je fais le design, le collage des faces, après, je les emmène aux couturières. Ce sont des couturières qui ont perdu leur travail à cause de la crise sanitaire ou bien économique. »
Transformer la fripe en haute couture
À quelques encablures se trouve le showroom de Né, la marque de Chems Eddine Mechri, designer de formation. Lui se replonge dans le patrimoine des tenues de mariage traditionnelles… Il utilise la fripe, mais aussi des pièces trouvées en chinant dans différentes régions de la Tunisie. « Je prends un haut, j’essaye de le garder tel quel en le rebrodant un peu, en le remettant au goût du jour, et parfois, je déstructure complètement une tenue pour en faire une autre, explique-t-il. Donc, c’est au gré des envies. Une robe de mariée extraordinairement élégante, je l’ai faite à partir de deux robes que j’ai chinées à la fripe à partir de 10 dinars la robe. »
Son objectif, faire des pièces de haute couture avec de l’upcycling, qui raconte une histoire : « Il y a des mariées qui viennent nous voir avec des vieilles tenues qui appartiennent à leur maman et on intervient sur cet héritage familial finalement. » Il redécouvre ainsi les techniques d’antan pour restaurer certaines broderies tout en se libérant de certains artifices qui alourdissaient les costumes de mariage jusqu’aux années 1990. « Le corps souffrait sous le poids de la tenue qui le cachait complètement et qui était très, très lourde à assumer, physiquement parlant. Là, on essaye d’alléger, de libérer le corps. »
Chems Eddine et Taycyr ne sont pas les seuls dans ces démarches écoresponsables qui se démocratisent de plus en plus dans le pays.
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