Hommage aux lycéennes de Chibok au Nigeria: que deviennent les rescapées? [2/3]
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Deuxième volet de notre série consacrée aux lycéennes de Chibok, ces 276 jeunes filles enlevées par Boko Haram il y a huit ans. Art Twenty One, une prestigieuse galerie d'art contemporain de Lagos, propose l'exposition « Statues Also Breathe » : 108 sculptures de visages pour rappeler les 108 filles toujours manquantes, de la plasticienne Prune Nourry. Une performance a eu lieu en présence de six mamans de filles toujours captives et de six filles libérées. Parmi elles, Mary Dauda et Amina Nkeki, libérées il y a cinq ans, qui ont bénéficié de soins médicaux et des programmes de déradicalisation. Elles tentent de reconstruire leur vie.

De notre correspondant de retour de Lagos,
Mary Dauda ne reste jamais trop loin de son bébé. Sa fille est soit calée sur son dos, bien emmitouflée dans un pagne, soit sur ses genoux. En se mariant en 2020, puis en devenant maman de deux enfants, Mary a surmonté ses blessures d’ex-otage de Boko Haram. Mais cinq ans après sa libération, cette ancienne lycéenne de Chibok reste hantée par son séjour dans la forêt de Sambisa : « Dès que je suis assoupie, parfois j'ai des flashbacks. J'ai l'impression d'être toujours en captivité, en train de pleurer car je suis loin de mes parents. Dans ces songes, je supplie Dieu de me venir en aide. » raconte la jeune femme.
Mary était dans le groupe des 82 jeunes filles de Chibok libérées en 2017. En échange, cinq leaders de la branche de Boko Haram, proches d'Abubakar Shekau, quittaient des prisons du Nigeria. Par pudeur, Mary préfère taire ses conditions de captivité. Difficile pour elle en effet de mettre des mots sur les horreurs qu'elle a vues, les sévices qu'elle a subis : « De rares fois, nos ravisseurs nous abandonnaient à notre propre sort, quand on leur disait que nous refusions d'être leurs épouses, relate-t-elle. Alors, ils nous faisaient du chantage à la nourriture. Nous menaçant de nous laisser mourir de faim... »
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« Nous, les femmes, nous ne sommes plus des citoyennes de seconde zone »
Quelques mois avant Mary, Amina a recouvré la liberté. Avec un membre de Boko Haram se présentant comme son mari à l'époque, et leur petite fille Patience, née dans la forêt de Sambisa, Amina Nkeki a semé ses ravisseurs. Le trio errant a croisé la route de miliciens volontaires en mai 2016.
Aujourd'hui, Amina n'est plus avec le papa de Patience. Elle suit des études de relations internationales et de sciences politiques à l'Université américaine de Yola : « Les autres étudiants me regardent de haut en pensant que je n'y arriverai pas à cause de mon passé, affirme-t-elle. Mais je continue à m'encourager en me disant que dans ce monde, on ne peut rien obtenir si on ne fait pas les efforts nécessaires. Nous, les femmes, nous ne sommes plus des citoyennes de seconde zone. »
Amina arbore un sourire franc et massif. Un sourire qui dissimule à peine la lassitude et le poids d'être, pour la vie, une rescapée de Boko Haram.
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