Nord du Nigeria: critiquer le gouvernement sur les réseaux sociaux peut mener à la prison [1/2]
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Dans le nord du Nigeria, les utilisateurs des réseaux sociaux avancent en terrain miné. Ces derniers mois, plusieurs jeunes ont été interpellés et détenus après s'être moqués de leurs dirigeants. Dans une société très conservatrice, le respect des normes sociales et religieuses est central, même en ligne.

De notre envoyée spéciale à Kano,
Fin novembre, les Nigérians apprenaient avec stupéfaction l'arrestation d'Aminu Mohammed, un étudiant de 23 ans. Celui-ci avait posté sur Twitter une photo de la première dame du Nigeria avec cette légende en hausa : « Mama a pris du poids en mangeant l'argent des pauvres ».
Sa détention, jugée « illégale » par Amnesty International, a donné lieu à un vaste mouvement de solidarité, poussant Aisha Buhari à retirer sa plainte. Aminu Mohammed s'est exprimé à la télévision nigériane, après être rentré dans son université : « La liberté d'expression, tout le monde l'a. Mais c'est ce qu'il se passe après l'avoir utilisée qui est le vrai problème. »
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Il n'est pas le seul jeune à avoir vécu ce genre d'expériences. Mubarak Muhammad a été arrêté fin octobre dans la ville de Kano. Dans un sketch posté sur TikTok, il accusait le gouverneur local de corruption. « Nous avons effacé la vidéo presque immédiatement, mais quelqu'un l'avait déjà sauvegardée. Vu la nature de notre société et le peu de tolérance de nos leaders... Oui, nous vivons en démocratie, mais ils ne la pratiquent pas vraiment », regrette Mubarak Muhammad.
« Ici, ça ne se fait pas de critiquer ouvertement »
Mubarak – alias Unique Pikin – et son associé sont placés en détention pendant plus de 10 jours. Reconnus coupables de diffamation, ils doivent payer une amende et reçoivent vingt coups de bâtons chacun. « Dans le sud du Nigeria, ils utilisent les réseaux sociaux pour divertir, pour informer, des choses comme ça, et les gens aiment bien ce que font les influenceurs, constate Mubarak Muhammad. Alors qu'ici, même quand tout le monde sait que ce qu'on dit est la vérité, ça ne se fait pas de critiquer ouvertement. »
Dans le nord du Nigeria, le harcèlement en ligne est monnaie courante pour ceux qui osent se montrer trop critiques. Et Badoo l'a bien compris. Avec cinq millions de followers, c'est un influenceur très connu dans la région, même si la majorité de son audience se trouve en Somalie et aux Philippines. « Quand Unique Pikin a été arrêté, j'ai fait une vidéo, pour dire qu'il ne le referait plus et tout de suite après, les gens ont dit, qu'il avait reçu une bonne leçon, etc. quand il s'agit de problèmes que l'on peut avoir ici dans le nord, j'ai peur de m'exprimer. Car s’il m'arrive quelque chose, personne ne me défendra. »
Pour éviter les problèmes et maintenir ses activités en ligne, Badoo se contente de publier des sketchs légers et sans paroles, qui n'abordent jamais de sujets trop politiques.
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