Soudan du Sud: à Juba, le Centre pour la jeunesse menacé de disparition
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Lieu historique et unique en son genre à Juba, le Centre pour la jeunesse et le développement social (Youth Centre for Social Development) a été construit en 1972, à la fin de la première guerre civile soudanaise. Mais les autorités ont récemment alloué près d'un tiers de l’espace à un entrepreneur privé pour la construction d'un nouveau complexe sportif, inauguré le 21 mars. Une nouvelle réalité qui témoigne de la menace grandissante de privatisation des espaces publics dédiés à la jeunesse dans la capitale du Soudan du Sud.

De notre correspondante à Juba,
Comme tous les jours en fin d’après-midi, les kickboxeurs, garçons et filles, sont venus s’entraîner. Leur coach Puro Okello Obob est un ancien professionnel. Il est convaincu du pouvoir du sport pour « dépasser le tribalisme et les divisions sociales », et donne des cours au Centre pour la jeunesse bénévolement depuis 2009 : « Vous ne pouvez pas faire de développement communautaire sans le sport. Le sport, c’est le meilleur terrain pour unir les gens », assure-t-il.
En lieu et place du grand espace ouvert faisant face au préau dédié au kickboxing, un haut mur se dresse désormais, restreignant l’accès au nouveau complexe sportif. L’entraîneur ne cache pas sa déception :
« Je suis totalement opposé à ce projet, parce que vous ne pouvez pas construire un mur d’enceinte à l’intérieur d’une structure existante. Cela n’a aucun sens ! », s'emporte Puro Okello Obob. « Ce lieu est ouvert à tous les jeunes, il a été construit pour unir les Sud-Soudanais revenant de la guerre. Et maintenant, le centre est divisé en deux ! »
« Ce projet n'a rien à voir avec nous »
Mawa Moses, un haltérophile habitué du Centre, est lui aussi opposé à la nouvelle structure : « Ce projet n’a rien à voir avec nous. C’est un terrain de foot commercial. Il faut payer pour y accéder. Nous, nous proposons des entraînements gratuits : la salle de sport, les cours de boxe, de kickboxing, de taekwondo et de karaté, tout est entièrement gratuit », dit-il.
Le nouveau complexe sportif prive de fait le quartier d’un grand espace où mariages, festivals, performances de danses traditionnelles pouvaient avoir lieu.
Stephen Ochalla, fondateur du groupe de musique et de danse Orupaap basé au sein du Centre pour la jeunesse depuis 2011, ne cache pas son amertume : « L’espace est maintenant réduit. Avant, jusqu’à 3 000 personnes pouvaient venir passer du bon temps ici, pour des expositions, des festivals, des danses traditionnelles… Mais tout ça maintenant, c’est fini... », souffle-t-il.
L'inquiétude de voir le centre entièrement disparaitre
Ketty Luka, une danseuse du groupe Orupaap, s’inquiète de l’avenir : « J’ai peur qu’à l’avenir, ils occupent tout l’espace du centre. Ce serait terrible. J’espère que cela n’arrivera pas. Car cela signerait l’arrêt de toutes les animations, et ce centre est le seul dans tout Juba à proposer ces activités. »
Les autorités de l’État d’Equatoria Central, qui sont en charge du Centre pour la jeunesse, n’ont pas répondu à nos questions.
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