Migrants: les garde-côtes tunisiens face à la multiplication des traversées
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En Tunisie, les départs irréguliers vers l’Europe par la mer Méditerranée ne cessent d’augmenter. Alors que Tunis accentue les pressions pour une « solidarité » européenne, selon les mots du ministre tunisien des Affaires étrangères, afin de mieux lutter contre la migration irrégulière, les garde-côtes ont de plus en plus de mal à gérer cette crise.

De notre envoyée spéciale à Sfax,
C’est dans les eaux tunisiennes, à mi-chemin de l’Italie, que les garde-côtes tunisiens interceptent de jour comme de nuit des embarcations de migrants en situation irrégulière. Ce jour-là, à l’aube, la garde nationale maritime a déjà intercepté près de cinq embarcations avec à leur bord une quarantaine de migrants chacune. La majorité d'entre eux sont subsahariens.
Alors que la mer est calme, les garde-côtes repèrent un autre bateau, en fer celui-là, et surchargé. Le moteur est en panne et les passagers ont des chambres à air en guise de gilet de sauvetage. Beaucoup ont perdu leur travail et leur logement après les propos polémiques du président Kaïs Saïed en février dernier. Pour ces migrants, se faire arrêter est ce qui pouvait leur arriver de pire.
La plupart de ces migrants ne veulent pas monter dans le bateau des garde-côtes. Ils ne souhaitent pas non plus parler aux journalistes. Mais l’un d’eux à un message à faire passer : « C’est pas juste, c’est pas le problème de papiers ! C’est parce que nous sommes Noirs », lance-t-il.
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Le président Kaïs Saïed avait réclamé plus de contrôle sur l’immigration irrégulière en Tunisie sans toutefois parler de couleur de peau. Mais le resserrement sécuritaire qui a suivi a ciblé principalement les Subsahariens, avec de nombreux abus. Et ces derniers mois, les Subsahariens représentent le plus gros contingent des personnes interceptées en mer.
Manque de moyens des autorités
Les garde-côtes ont saisi le moteur du bateau, mais les migrants refusent toujours de les accompagner. Ils finiront par céder une heure plus tard, leur embarcation menaçant de couler. Ces méthodes ont été dénoncées par l’ONG Alarm Phone, qui a récupéré des témoignages de migrants qui affirment que dans certains cas, la garde nationale les abandonne et laisse chavirer leur embarcation sans moteur. Ce que dément à Tunis le porte-parole de la garde nationale, Houssem Eddine Jebali : « Si ces ONG ont des preuves, je les encourage à porter plainte. Et qu’elles viennent nous voir aussi. Nous sommes prêts à faire une enquête en interne, et aussi avec le ministère de l’Intérieur et à tenir les concernés pour responsables. »
Ce jour-là, les migrants seront ramenés au port de Sfax puis relâchés, car les autorités n’ont pas les moyens de les arrêter. Beaucoup disent qu’ils tenteront de nouveau la traversée dès qu’ils en auront l’occasion.
La semaine du 24 avril, 51 embarcations de migrants ont été interceptées par les garde-côtes avec 1 242 personnes secourues, dont 1 207 migrants subsahariens, selon les chiffres de la garde nationale. Deux cent dix corps ont été repêchés en mer entre le 18 et 27 avril, après des naufrages, s’ajoutant à plus d’une centaine de morts et disparus depuis le début de l’année.
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