Les vies brisées des Sud-Soudanais ayant fui Khartoum en guerre [1/3]
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Le Soudan du Sud a pris son indépendance du Soudan en 2011. Mais les liens entre les deux pays sont restés très forts. Plus de deux millions de Sud-Soudanais habitent toujours au Soudan, dont 800 000 réfugiés. Khartoum restait une destination privilégiée pour les Sud-Soudanais souhaitant chercher refuge, mais aussi travailler, étudier ou se soigner. Depuis que des combats ont éclaté le 15 avril, ils sont déjà plus de 90 000 à avoir pris la fuite, direction leur pays natal. Des retours prématurés, des projets brutalement interrompus…

De notre envoyée spéciale à Renk,
À Renk, les rapatriés campent avec leurs bagages un peu partout : dans les mosquées, les églises, au bord des rues… S’abritant du soleil écrasant à l’ombre d’un arbre, Ngong Malong Ngor, 70 ans, n’en est pas à son premier aller-retour avec Khartoum, une ville indissociable de son histoire familiale :
« J’ai vécu presque toute ma vie à Khartoum. Mes dix enfants sont nés là-bas. Par la suite, au moment de l’indépendance du Soudan du Sud, nous avons été très nombreux à être revenus au pays. Mais la situation n’était pas bonne au Soudan du Sud, les enfants n’ont pas trouvé de travail et ils sont rapidement revenus à Khartoum. Je les ai suivis ensuite. Maintenant, nous sommes tous de retour au Soudan du Sud à cause de la guerre à Khartoum. »
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Fuir la guerre
Des centaines de familles campent aussi au port de Renk, au bord du Nil, où des bateaux sans toit ni siège sont amarrés. Assise sur ses valises au bord du quai en plein cagnard avec ses enfants, Lisa Ruotken attend depuis des jours d’embarquer sur l’un d’eux, direction Malakal. Elle avait fui cette ville à cause des violences :
« Nous sommes allés à Khartoum il y a quatre ans, pour fuir la guerre au Soudan du Sud. Maintenant qu’il y a la guerre au Soudan, nous sommes de retour. Nous voulons aller à Malakal. Cette guerre à Khartoum, ça a été très dur, c’était horrible. Avec ma famille, nous avons réussi à nous enfuir grâce à un camion qui nous a amenés jusqu’ici au Soudan du Sud. »
« J'ai été séparée de mes enfants dans la panique »
Un seau et une couverture donnés par le HCR, voilà tout ce que possède Catherine Dimitri, 40 ans, qui attend au centre de transit mis en place par les humanitaires, de pouvoir continuer son voyage jusqu’à Juba, sa ville natale. Elle a passé 35 ans au Soudan et travaillait dans une ONG. Suite aux combats, elle a quitté Khartoum en catastrophe avec ses deux petits-enfants, mais a dû quitter ses enfants : certains sont restés à Khartoum, d’autres ont fui avant elle.
« C’est très difficile, car j’ai été séparée de mes enfants dans la panique. On a eu très peur. J’ai un de mes fils qui est venu au Soudan du Sud avant moi, mais je n’ai aucune nouvelle. Je suis vraiment triste. J’ai le cœur brisé, je me sens tiraillée entre ici et là-bas. Je veux savoir où est mon fils qui est parti avant moi, et que tous mes enfants soient réunis. »
Chaque jour, près de 2 000 Sud-Soudanais passent la frontière avec le Soudan. L’ONU estime qu’ils seront 180 000 à être revenus au pays mi-juillet.
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