Reportage Afrique

La longue lutte des métis de Belgique à la recherche de leurs origines [2/3]

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En 2019, la Belgique a présenté ses excuses aux métis de la colonisation belge pour la ségrégation ciblée et la politique d’enlèvements forcés dont ils ont été victimes. Des milliers d’enfants métis non reconnus par leur père blanc ont été enlevés à leur mère africaine et placés à l’écart de la population dans des institutions religieuses. Depuis, un projet aux archives de l’État leur permet de tenter de faire la lumière sur leur histoire familiale. Mais, de nombreux métis avaient déjà entrepris des recherches depuis bien longtemps et par leurs propres moyens. C’est le cas d’Éveline Schmit. 

Eveline Schmit, métisse née pendant la colonisation belge. Elle montre une photo de son père.
Eveline Schmit, métisse née pendant la colonisation belge. Elle montre une photo de son père. © RFI/Laure Broulard
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Sur son téléphone portable, Éveline Schmit fait défiler les photos et les vidéos de sa famille maternelle. Sa demi-sœur, ses oncles et tantes rencontrés pour la première fois, au Rwanda et en Tanzanie l’année dernière. Et, un cliché en noir et blanc de sa mère décédée, qu’elle n’a pas pu retrouver à temps. « Maintenant, quand je pense à ma mère, je la vois, confie Éveline. Ma sœur m'a raconté comment elle était. Quand elle avait un peu bu et qu'elle était avec des voisins, elle disait qu'elle avait un enfant muzungu en Europe. »

Muzungu, soit l’étranger, le blanc, le clair… Éveline est née au Rwanda au début des années 50, d’une mère rwandaise et d’un père luxembourgeois employé par l’administration coloniale belge. À l’âge de deux ans, elle est arrachée à sa mère parce qu'elle est métisse. Elle est placée dans une mission protestante à des dizaines de kilomètres de là, dans la région du Kivu dans l’est de la RDC. À l’approche des indépendances, elle est évacuée vers la Belgique, comme quelques centaines d’autres enfants métis, sans véritable autorisation de leur mère. Placée dans un orphelinat à Bruxelles, la fillette est ensuite adoptée par une Américaine et envoyée aux États-Unis.

Sur ses papiers, ses origines sont délibérément brouillées. « On m'avait caché une première fois en m'envoyant dans le Kivu, puis une deuxième fois en m'envoyant en Europe, et une troisième fois aux États-Unis, reprend Éveline. Alors, je me suis dit que j'étais perdue et que personne de ma famille n'allait jamais me retrouver. » Ce sont finalement ses voyages répétés au Rwanda et l’aide d’associations de métis, comme Métis du Monde qui lui ont permis, après une vie de recherche, de trouver sa famille à plus de 70 ans.

Les archives de l’État, très administratives et surtout fragmentaires, ne lui ont été d’aucune aide. Et, elle aurait aimé que la Belgique en fasse davantage. « Ce que la Belgique aurait pu faire, c'est d'aller eux-mêmes dans les archives pour trouver les membres de notre famille. Nous payer le voyage pour aller les rencontrer et payer des cours pour que je puisse apprendre ma langue maternelle. »

Certains métis envoyés en Belgique à la fin des années 50 n’ont pas eu la chance d’Evelyne. Désormais âgés, ils risquent de ne jamais connaître leur famille africaine.

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