Reportage Afrique

De mystérieux massacres à Goré, sud du Tchad: une attaque durant la messe [1/2]

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Au printemps 2023, près d’une centaine de personnes ont trouvé la mort dans une mystérieuse série de massacres qui ont touché les régions méridionales du Tchad. Des groupes armés bien organisés, aux méthodes particulièrement cruelles, mais dont l’identité exacte reste incertaine, ont semé la terreur dans plusieurs villages. Tout a commencé par l’attaque d’un campement peul par un groupe de rebelles tchadiens basé en Centrafrique voisine. Le drame a déclenché un cycle de représailles qui ravivent les tensions entre les communautés ainsi que la défiance entre des populations locales envers les autorités. Enquête de notre correspondant au Tchad.

Boram Koulamben a noté sur son "carnet rouge" les noms des victimes du massacre de Don.
Boram Koulamben a noté sur son "carnet rouge" les noms des victimes du massacre de Don. © Carol Valade / RFI
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Dans l'église des frères de Goré, le sermon porte sur l'apocalypse. Boram a déjà traversé l'enfer et ne peut retenir ses larmes lorsqu'il se remémore ce matin du 8 mai : « 5h, c'est l'heure où nous sommes déjà à l'église. On a entendu un coup de feu vers l'est au lever du soleil. Le village est inondé de tueurs et à notre surprise, les gens jonchés à terre. » 

L'église est alors prise d'assaut. « Le diacre a aussi pris les flèches et il est tombé pour être égorgé, raconte Boram. D'un coup de machette, ils lui ont coupé la main droite. On m'a crié de m'asseoir. Je sentais la mort venir vers moi. »

Boram en réchappe de justesse. Les assaillants prennent la fuite à l'arrivée des militaires tchadiens. Il est réquisitionné pour enterrer les morts, « sur la place publique, à l'ombre d'un gros manguier, à creuser des fosses tout l’après-midi, jusqu’à la nuit ». Il a également noté leurs noms dans son carnet. « Ce carnet peut se nommer "le carnet rouge", c'est-à-dire le sang de toute la population qui a coulé. » 

Représailles

Les mystérieux cavaliers parlant arabe ou peul ont méthodiquement pillé le village et incendié de nombreuses cases. Ils seraient venus venger l'assassinat d'un riche propriétaire de bétail une semaine plus tôt. Le drame déclenche un cycle de représailles à travers la région, obligeant Ndjamena à déployer son armée pour sécuriser la zone. « Nous avons créé un nouveau poste pour faire les patrouilles tout au long de ce village et à la frontière, explique Abdelkarim Tahir, préfet de la Nem Pende. Nous avons cherché à aller en profondeur de la Centrafrique pour chercher ces bandits et les arrêter pour les traduire en justice. On a présenté à la presse tous ces bandits. »

Des milliers de Tchadiens ont fui vers la Centrafrique, selon des sources humanitaires. D'autres ont trouvé refuge dans les camps du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Tchad.

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