Kenya: les communautés Kipsigi et Talaï toujours en quête de réparations
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Au Kenya, les communautés Kipsigi et Talaï, violemment chassées de leurs terres ancestrales par les colons britanniques dans les années 1940, réclament toujours justice. Il y a un an, des représentants de ces communautés déposaient une plainte gouvernement britannique devant la Cour européenne des droits de l’homme dans le but d’obtenir des excuses et des réparations, sans avancées pour le moment. Parmi les victimes et leurs descendants, les blessures sont pourtant toujours vives.

De notre envoyée spéciale à Kericho,
De sa maison, Elizabeth Chepkwony, 84 ans, aperçoit au loin les hauts plateaux fertiles qui l’ont vue naître et dont elle fut chassée une nuit avec ses parents par des colons britanniques. Elle avait 7 ans.
« Ils ont tout brûlé : nos maisons, nos affaires… Ils avaient des armes à feu et des fouets », se souvient Elizabeth. « Ils ont battu mon père et ma mère sous mes yeux. Ils ont aussi tué tout notre bétail et j’ai été frappée pour avoir essayé de protéger une chèvre. Regardez, j’ai encore la trace », montre-t-elle.
Sur ces terres fertiles ainsi accaparées au prix d’incendies, de meurtres et de viols, les colons ont planté du thé, toujours exporté aujourd’hui dans le monde entier par des multinationales britanniques. Elizabeth et sa famille, eux, ont été relégués comme des milliers d’autres dans ce qu’on appelait alors une « réserve autochtone ». Des terres peu cultivables.
« Je ressens beaucoup d’amertume quand je pense aux terres de mes ancêtres. Cela me fait de la peine de voir qu’elles rapportent tant d’argent, mais que nous, nous n’en bénéficions absolument pas. Parfois, je retourne sur place et je pleure, car depuis qu’on nous en a chassé, nous vivons dans la pauvreté », se désole la vieille femme.
« Les Britanniques essaient de fuir leurs responsabilités »
Elizabeth fait partie des 150 000 victimes que représente l’avocat kenyan Joel Kimutai Bosek. C’est lui qui a porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme l’an dernier, sans résultat pour le moment. L’ONU a eu beau dénoncer en 2021 « l’échec » des autorités britanniques à affronter ses crimes coloniaux, l’avocat affirme que Londres continuer à les ignorer.
« Les Britanniques essaient de fuir leurs responsabilités, mais nous disons aussi que le gouvernement britannique et les multinationales tirent profit de crimes et de violations des droits de l’homme depuis trop longtemps, et qu’ils doivent rendre des comptes », assène l’avocat.
Les victimes pointent aussi la responsabilité du Kenya. Joel Kimeto est l’un des représentants de la communauté Kipsigi. Selon lui, Nairobi aurait dû rétrocéder ces terres à son peuple à l’indépendance du pays en 1963. « Les terres qui ont été spoliées représentent presque la moitié des terres kipsigis. Nous voulons que ces terres reviennent à leurs propriétaires légitimes », ajoute Joel Kimutai Bosek.
« C’est une bombe à retardement », assure-t-il, car le ressentiment se transmet de génération en génération. En mai dernier, une centaine de jeunes ont été arrêtés pour avoir envahi des plantations de thés et incendié une partie des routes, des outils de productions.
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