Afrique du Sud: la popularité des films d’arts martiaux sous l’apartheid [4/4]
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Les films d’arts martiaux venus de Hong-Kong ont connu un grand succès dans les townships en Afrique du Sud à partir des années 1970 1980. Des films qui parvenaient à se frayer un chemin sur les écrans malgré la censure mise en place sous l’apartheid. Et ils ont connu beaucoup d’échos au sein des populations réprimées par le régime.

De notre correspondante à Johannesburg
Dans le quartier de Mofolo, au sein de Soweto, se dresse toujours une façade emblématique. Le Eyethu cinema, désormais en rénovation, était, sous l’apartheid un des rares lieux de divertissement de la zone, et a permis à des générations du township de découvrir des films sur grand écran. Lindi Tshabalala est la fille du fondateur de ce cinéma historique, et elle se souvient très bien de l’arrivée des premiers films d’arts martiaux.
« Il y avait beaucoup de petits magasins chinois, et c’est comme ça que ma sœur trouvait ces films et les ramenait à Soweto. Les gens adoraient ces combats, surtout les enfants. Oh Jackie Chan ! Bruce Lee ! Surtout eux ! On mettait des pubs sur les murs, et ils pouvaient voir que Jackie Chan allait arriver, avec ses jambes dans les airs ! Notre cinéma était alors plein à craquer, c’était incroyable, vraiment. C'étaient toujours les plus populaires. »
Des films qui ont su échapper à la censure du régime de l’apartheid, comme le rappelle le chercheur Cobus van Staden qui s’est penché sur le sujet : « C’était une censure à la fois sur le plan de la morale, où les images sexuelles étaient proscrites ainsi que la violence, mais aussi sur le plan politique, où il fallait bloquer les messages révolutionnaires. Beaucoup de films de Bruce Lee étaient assez anti-coloniaux, de façon explicite, mais parce qu’ils étaient perçus comme une forme de divertissement bas de gamme, ces messages ont pu passer sous les radars. »
À 72 ans, Abraham garde encore de très bons souvenirs des films de cette période, qu’il regardait pour sa part sur cassettes : « Pour nous, la communauté noire, c'étaient nos héros, ils nous divertissaient beaucoup plus que les autres films. » Et ses fils, Medupi et Thato, qui ont grandi avec ces films d’arts martiaux, se rappellent encore des gestes qu’ils tentaient de reproduire dans les rues de Soweto.
Des films toujours programmés sur le petit écran
« Les Chinois nous prouvaient que l’on pouvait vaincre toute une armée juste avec nos mains. Ils nous inspiraient beaucoup, se souvient son fils Medupi. Ceux perçus comme inférieurs nous montraient qu’ils étaient capables battre les meilleurs grâce à leur intelligence et juste avec ce qu’ils avaient. »
Pour Thato : « Moi, je me souviens d’avoir regardé le film où un combattant américain doit combattre Bruce Lee. Devinez qui ils ont choisi ? Chuck Norris ! Bruce Lee est le seul homme capable de battre Chuck Norris. »
Signe de leur popularité, encore aujourd’hui : les films d’arts martiaux, anciens et récents, continuent d’être programmés le vendredi soir, sur l’une des chaînes publiques de la télévision sud-africaine.
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