Tunisie: quand la crise économique affecte les mariages [1/3]
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En Tunisie, la saison des mariages touche à sa fin. Chaque été, de nombreux couples se marient dans des fêtes qui allient souvent tradition et modernité. Dans le pays, il est fréquemment de coutume de faire plusieurs fêtes et de célébrer en grandes pompes l’union sacrée. Mais la crise économique pèse de plus en plus sur les familles et les couples. Ces contraintes redessinent les budgets et envies de chacun.

Le son de la fête s’entend depuis la rue de la maison de Manel. Dans le quartier de l’Ariana, au nord de Tunis, la famille de la jeune mariée célèbre les préparatifs. Manel revient tout juste du Hammam, une étape traditionnelle des noces avec uniquement les femmes proches de l’épouse. Elle porte une tenue typique de Mahdia, la région dont ses parents sont originaires.
« J’aime tout ce qui est traditionnel et relié à ma région, pour moi, c'est essentiel de mettre ces tenues. Là ce que je porte contient plusieurs couches. Il y a une sorte de chemise avec un pantalon large et un tissu avec des broderies dans lequel je suis enveloppée, et après pour la soirée, je change encore de tenue. »
Pour son père, Jamel Belhaj Fradj, 65 ans, entrepreneur en construction, malgré la crise économique dans le pays, il faut consacrer un budget conséquent pour le mariage de sa fille et préserver cette tradition.
« Nous, dans notre famille élargie, pour les mariages, tout le monde s’entraide. Même ceux qui n’ont pas trop d’argent. Ils aident par leur présence ou en aidant aux préparatifs. Moi, je suis l’aîné dans la famille et j’ai financé en partie les mariages de sept frères, donc pour celui de ma fille, chacun aide. »
« Même en achetant un an à l’avance, les prix avaient déjà augmenté de 30% »
À Zaghouan, au nord de la Tunisie, Inès Mnirsi, 35 ans, a également choisi de faire un hammam avec son entourage avant son mariage : « Je pense que pour les futures épouses, ça reste un moment important où l’on prend soin de soi et on s’entoure des femmes qui vont ensuite rester avec nous pendant tout le déroulé du mariage. C'est un peu comme un moment de recueillement où la mariée peut s’amuser et aussi se relaxer. »
Mais le hammam coûte cher, comme d’autres fêtes. C'est pourquoi à Tunis, Maha Bouali, designer de 29 ans, a décidé de répartir autrement son budget pour son mariage avec Ayoub Hidoussi, producteur. « Rien que la salle de fête pour la cérémonie, si vous ne voulez pas avoir quelque chose de moche avec des chaises cassées, c’est au minimum 2 400 euros, sachant que les prix augmentent entre l’hiver et l’été. Concrètement, tout était cher par rapport à ce que nous avions évalué. »
Pour Ayoub et elle qui n’ont pas voulu s’endetter en démarrant leur vie à deux, le coût du mariage a également représenté une charge mentale parce qu’il est coutume que les couples, en se mariant, investissent aussi dans le mobilier de leur futur foyer. « Nous nous sommes pris à l’avance en allant acheter par exemple des meubles à la foire annuelle où il y a les prix d’usine, et même en achetant un an à l’avance, les prix avaient déjà augmenté de 30% par rapport à l’année précédente. »
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Même Si Maha et Ayoub ont fait un mariage à leur image, simple, sans artifices, la pression reste bien là : « Notre génération a un vrai problème avec le paraître. Vous aurez toujours un ami qui va venir dans votre appartement de jeune marié et qui sera étonné que vous n’ayez pas pris l’écran de télévision dernier cri. »
Dans le pays, un mariage coûte en moyenne 10 000 euros et le taux des unions a considérablement baissé ces dernières années avec une baisse de 33% des contrats de mariage en 2022.
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