Reportage Afrique

Tunisie: les jeunes mariés se détournent de l'or en raison de la crise économique [3/3]

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En Tunisie, pendant plusieurs décennies, les futurs époux avaient pour habitude d’offrir de l’or à leur promise. Une parure ou plusieurs bijoux traditionnels du patrimoine, selon les régions, chacun sa coutume. Il s’agissait d’un capital pour le couple qui peut revendre ensuite l’or en cas de coup dur dans la vie. Aujourd’hui, avec la crise économique et le prix du gramme d’or qui a triplé, cette pratique se fait de plus en plus rare.

Des jeunes mariés tunisiens qui célèbrent leur union avec des alliances en argent.
Des jeunes mariés tunisiens qui célèbrent leur union avec des alliances en argent. © Med Ali / Getty Images
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De notre correspondante à Tunis,

Dans la Médina de Tunis, un samedi midi, le souk El Berka où les bijoutiers proposent aux passants de leur acheter de l’or, les rues sont peu animées. Cette année, la saison des mariages n’a pas été fructueuse pour les commerçants.

Sadok, 62 ans, travaille depuis quatre décennies dans le souk. « Normalement, pendant le week-end, on a du mouvement. On voit des fiancés venir chercher des parures. Là rien. On sent que le citoyen tunisien a un budget de plus en plus restreint avec la crise. Avant, j’arrivais à vendre deux ou trois parures par semaine. Maintenant, j’ai de la chance si j’en vends une. »

Pour Mohamed Nasfi, 51 ans, qui répare une bague dans sa boutique, ce n’est pas seulement le budget qui manque, mais aussi les mentalités qui ont changé. « Vous avez des gens qui n’hésitent pas à dépenser des milliers d’euros pour la cérémonie de leur mariage, mais qui ne vont plus investir dans l’or. Alors que c’est un vrai capital. La cérémonie dure une soirée alors que l’or va vous durer toute une vie et vous aider en cas de problème. »

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Manque de moyens

Pour beaucoup, préserver les apparences de richesse dans les mariages est plus important même si les moyens manquent. « J’ai des jeunes couples qui rentrent dans la boutique, achètent juste la bague de fiançailles puis regardent les parures et me demandent où ils peuvent se procurer le même modèle en argent ou carrément du faux », poursuit Mohamed. « Ils me disent que pour eux, ce n’est pas important, mais que c’est pour maintenir l’illusion auprès des familles, le jour de la cérémonie. »

Dans le souk, à défaut d’acheteurs potentiels, les bijoutiers voient défiler l’ancienne génération qui vient revendre des bijoux en or, pour faire face à la crise. « Là, pour le coup, des revendeurs, j’en ai qui viennent tous les jours », souligne Mohamed. « Ce sont des gens qui justement vendent leurs pièces en or petit à petit ces dernières années. Ils viennent en général, avant une occasion comme la fête de l’Aïd ou le baccalauréat de leur enfant, pour pouvoir échanger de l’or contre de l’argent en cash. »

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L'argent plutôt que l'or

Les bijoutiers confient que la seule clientèle qui achète encore, habite à l’étranger. Il s’agit de Tunisiens de la diaspora qui achètent des modèles précis pour leur mariage. Au sud tunisien, à Djerba, les parures traditionnelles sont très importantes lors des noces.

Feiza, 50 ans, vient de négocier pour 40 euros une parure traditionnelle brodée sur du tissu, mais en argent trempé dans de l’or. « En fait, je suis obligée d’acheter ça pour le mariage d’une amie, car lors de la cérémonie de la Jelwa à Djerba, une sorte de parade qui marque la seconde journée du mariage, la mariée a des habits traditionnels recouverts de parures en or et en argent, c’est un passage obligé. Donc on achète en argent faute d’acheter de l’or. »

Si dans le sud, certains investissent encore, à Tunis, les ventes de parures ont baissé de 50% cette année, selon les bijoutiers du souk El Berka.

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