Reportage Afrique

Kenya: des victimes exigent des compensations après un incendie causé par l’armée britannique

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Au Kenya, la visite du roi Charles III marquée par plusieurs controverses. Dont, celle autour de la présence d’un camp d’entrainement britannique dans la ville de Nanyuki, à 200 kms de Nairobi. Des soldats anglais viennent s’y entrainer avant d’être déployés à l’étranger. Mais leur présence est entachée par plusieurs scandales. Il y a notamment cet incendie déclenché en mars 2021 lors d’un entrainement dans la réserve privée de Lolldaiga. 4 800 hectares de terrain ont brûlé, avec des conséquences sur le mode de vie des communautés pastorales et agricoles vivant aux alentours. Depuis, elles se battent pour obtenir des dédommagements.

Des victimes des activités d'entraînement de l'Unité d'entraînement de l'armée britannique au Kenya (BATUK) et leurs familles bloquent la circulation lors d'une manifestation à la suite d'une réunion avec leurs représentants légaux et des militants civils dans la région de Juakali, dans la ville de Nanyuki, dans le comté de Laikipia, le 20 octobre 2023. (Image d'illustration)
Des victimes des activités d'entraînement de l'Unité d'entraînement de l'armée britannique au Kenya (BATUK) et leurs familles bloquent la circulation lors d'une manifestation à la suite d'une réunion avec leurs représentants légaux et des militants civils dans la région de Juakali, dans la ville de Nanyuki, dans le comté de Laikipia, le 20 octobre 2023. (Image d'illustration) © TONY KARUMBA / AFP
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De notre correspondante de retour de Nanyuki,

Saituk Kaituto Kaparo vit près de la réserve de Lolldaiga. Cet éleveur masaï de 68 ans était aux premières loges lors de l’incendie de mars 2021. Il a tout fait pour tenter de sauver son bétail, mais sur ses 200 vaches, il ne lui en reste plus que 4. Il en garde un souvenir amer : « Le feu venait de cette colline juste derrière, on le voit, on vit à côté. Tout ici était recouvert par de la fumée, on ne pouvait rien voir. Les soldats britanniques avaient tous les équipements nécessaires, mais pour nous c’était différent, précise l’éleveur, on récupérait des branches et on essayait de combattre le feu avec. Quand ça devenait incontrôlable, on se mettait à courir ».

Saituk dit ne presque plus voir aujourd’hui à cause de la fumée qui a abimé ses yeux. Il n’a pas les moyens de se payer les soins nécessaires. Il fait partie des 7 000 plaignants qui demandent une compensation aux autorités britanniques. Une compensation pour répondre aux problèmes médicaux et à la perte des récoltes et de bétail. L’affaire est entre les mains d’un comité de médiation, avec des représentants des deux pays. Mais le processus stagne, explique Saituk Kaituto Kaparo : « Ils doivent nous payer des dédommagements avant de reprendre leurs entrainements, la situation est très difficile pour beaucoup d’entre nous aujourd’hui, qui avons beaucoup perdu dans l’incendie. C’est particulièrement douloureux de voir les soldats, les responsables de l’incident, continuer à s’entrainer ici. »

« Une stratégie tirée de l'époque coloniale »

En 2002, Londres avait déjà versé plus de 4 millions de livres sterling, soit environ 5 millions d’euros, à plus de 200 familles masaï dont les proches avaient été blessés ou tués par des munitions abandonnées. Kelvin Kubai a grandi à Nanyuki, en côtoyant ces soldats. Ce jeune avocat défend pro-bono les victimes de l’incendie : « Leur stratégie est tirée de l’époque coloniale. On retarde le processus encore et encore et on espère que les victimes vont se fatiguer. Certains de ces soldats britanniques sont très jeunes, ils arrivent au Kenya avec des préjugés racistes, avec un complexe de supériorité, ils ne considèrent pas les locaux comme leurs égaux. On les retrouve dans des bagarres dans les bars du coin et finalement, ils sont protégés. »

Les plaignants ont adressé une lettre ouverte au gouvernement britannique. Ils l’appellent, ainsi que le roi Charles III à, je cite, « cesser de traiter le Kenya comme un avant-poste colonial ». Le gouvernement britannique, de son côté, affirme que seule les terres de la réserve privée de Lolldaiga ont été affectées, et qu’une étude, financée par le gouvernement britannique, a conclu que l’incendie n’avait « pas eu d’impact significatif permanent sur la terre, l’eau ou l’air ».

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