Reportage Afrique

Éthiopie: le grand barrage de la Renaissance au cœur de tensions avec l'Égypte et le Soudan

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À Addis-Abeba, le troisième round des négociations est sur le point de reprendre entre l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan sur les modalités de remplissage et de mise en œuvre du grand barrage de la Renaissance. Ce barrage en construction dans l’ouest de l’Éthiopie, dans la région du Benishangul-Gumuz, est voué à devenir la centrale hydroélectrique la plus puissante du continent. Problème : il se trouve à la source du Nil bleu qui assure 75 % de l’approvisionnement en eau douce de l’Égypte, située en aval du fleuve. Le pays craint de perdre le contrôle sur cette ressource indispensable. Côté éthiopien, ce projet pharaonique est une fierté nationale et va permettre au pays de doubler sa production d’électricité.

Le chantier du barrage de la Renaissance, le plus grand barrage d’Afrique, dans la région du Benishangul à l’est de l’Éthiopie.
Le chantier du barrage de la Renaissance, le plus grand barrage d’Afrique, dans la région du Benishangul à l’est de l’Éthiopie. © Clothilde Hazard / RFI
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De notre correspondante à Addis-Abeba,

Le site est colossal. Un lac bleu artificiel, immense, de 75 milliards de mètres cubes d’eau situé dans les paysages arborés et vallonnés de l’ouest de l’Éthiopie. L'eau est retenue par un barrage de 10 millions de mètres carrés de béton. En son cœur, d’immenses cylindres sont actionnés par la puissance de la pression.

« Une fois que l’eau passe dans ce conduit, elle atteint la turbine et ainsi l’énergie devient mécanique et l’eau retourne dans la rivière », explique Ephrem Woldekidan qui est chef de projet adjoint.

Pour le moment, deux turbines tournent sur les 13 qui devront produire au final 5 100 mégawatts. « La partie rotative est prête à être assemblée. C’est tellement grand qu’on ne peut pas la ramener directement de l’usine à cause du poids et de la taille donc la majorité sont assemblés ici. »

Ce chantier pharaonique emploie 6 000 personnes dont 98 % d’Éthiopiens. Il doit permettre de doubler la production d’électricité du pays : « Plus de 50 % du territoire n'a pas accès à l'électricité donc cela va améliorer la couverture énergétique du pays et cela va aider à attirer de nouveaux investisseurs ».

L'Égypte et le Soudan revendiquent un droit historique sur le Nil

L’eau est relâchée à un débit régulier, moins chargée en sédiments, et fait disparaître la crue saisonnière du Nil. Les autorités égyptiennes refusent de perdre le contrôle sur le fleuve, au centre de son identité nationale. Avec le Soudan, les deux pays revendiquent un droit historique sur les eaux, que refuse l’Éthiopie.

« Si vous regardez l'accord de 1959 signé entre le Soudan et l'Égypte, vous verrez qu'il s'agit d'un "accord sur le Nil et sa pleine utilisation". L’expression "pleine utilisation" implique l'utilisation de toutes les eaux du Nil par les pays en aval, l'Égypte et le Soudan, sans aucune attribution d'eau aux pays en amont. Le grand barrage éthiopien de la Renaissance est donc un barrage qui va à l'encontre des fondements mêmes de l'ordre hydropolitique du Nil. Mais c’est une question de justice et d’équité », estime Gashaw Ayferam, chercheur à l'Institut des Affaires étrangères.

L’Éthiopie ne compte pas renoncer à son projet. Un accord devra donc être trouvé en cas de tensions sur cette ressource précieuse. « L’export d’électricité aux autres pays de la Corne de l’Afrique va créer une paix énergétique, même s’il y a une longue période de sécheresse qui réduit la quantité d’eau ou d’autres problèmes liés au réchauffement climatique, il peut y avoir des inquiétudes et des contentieux », poursuit le chercheur.

Les négociations, jusqu’ici infructueuses, se terminent à la fin du mois. Le chantier quant à lui doit se terminer en 2027.

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