Reportage Afrique

RDC: la population de Manomapia sous l'emprise de l'exploitation minière [1/2]

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Depuis plus de six mois, des habitants du quartier Manomapia, de la commune de Fungurume dans la région du Katanga, dénoncent des cas de pollution de l’air, de l’eau et du sol. Ils accusent l’entreprise Tenke Fungurume Mining (TFM), l’un des gros producteurs du cuivre et du cobalt en RDC, qui a construit dans ce quartier sa nouvelle usine de traitement de ces minerais. Selon la communauté, une centaine de personnes ont déjà consulté le personnel soignant, que ce soit pour des problèmes respiratoires, des éruptions cutanées ou encore des saignements de nez. Saignements de nez, vomissements de sang : depuis décembre, six enfants sont morts. L'entreprise dément toute responsabilité.

Vue générale des installations de traitement de la mine Tenke Fungurume, l'une des plus grandes mines de cuivre et de cobalt au monde, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, le 17 juin 2023.
Vue générale des installations de traitement de la mine Tenke Fungurume, l'une des plus grandes mines de cuivre et de cobalt au monde, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, le 17 juin 2023. AFP - EMMET LIVINGSTONE
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De notre envoyée spéciale de Fungurume, 

Assise sur une natte à l’entrée de sa maison, située à moins de 10 mètres de l’usine 30 K de TFM au quartier Manomapia, Alphonsine Mwambuyi pleure encore son bébé de six mois décédé il y a plus de quatre semaines : « Les infirmiers ont dit que les poumons de mon bébé étaient attaqués par l’acide. Il toussait beaucoup. Ensuite, il a vomi beaucoup de sang. Mon bébé m’a quitté dans ces conditions. J’ai une grosse blessure au cœur... »

Alors que la discussion se poursuit, d’autres habitants du quartier en colère approchent. Marie-Claire Kabulo, âgée d'une cinquantaine d'années, n’hésite pas à montrer les éruptions cutanées sur son ventre : « Ces gros boutons apparaissent sur tout mon corps. Regardez, en dessous des aisselles… Vous voyez, madame ! Et j’ai de fortes douleurs, c’est dur. »

« Nous mourrons à petit feu »

D’après ces habitants, l’usine refoule chaque soir du gaz dans l’air. Ce qui affecte leur santé. Hélène Banza, qui a aussi saigné du nez il y a quelques semaines, relate les symptômes : « D’abord la tête devient lourde, tu as eu mal au cœur comme si on t’avait poignardé. Et puis la gorge sèche, les yeux et le nez chatouillent. Après des grosses gouttes de sang coulent du nez... »

Un peu plus loin, Héritier, jeune papa d’une trentaine d’années, prend un bain de soleil devant sa maison. Lui non plus ne cache pas sa colère : « Les autorités nous demandent de nous calmer et pourtant, ici, nous mourons à petit feu... Moi, je n’ai nulle part où aller. Là, vous me voyez, je suis malade et affaibli, je ne travaille plus. »

Analyses en cours

À plus d’un kilomètre à l’est de l’usine est construit un centre de santé public. Vêtu de sa blouse blanche, Faustin, infirmier de garde, est aussi conscient du danger : « L’odeur de l’acide arrive jusqu’ici au centre de santé. Et pour nous protéger, nous mettons les masques qui sont conservés là dans l’armoire. Nous les donnons aussi aux malades internés dans le centre. »

Plus de 100 malades provenant du quartier Manomapia ont été référés à l’hôpital général de la commune de Fungurume pour des soins. L’entreprise TFM déclare qu’elle prend très au sérieux les plaintes des habitants. Elle assure par ailleurs que ses mesures de protection de l’environnement sont conçues selon les normes les plus strictes. De leur côté, les autorités attendent les résultats des analyses des échantillons de sang, de l’air, du sol et de l’eau prélevés par un toxicologue avant de se prononcer.

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