Kenya: «cartels» et gouvernement se livrent à une autre guerre de l’eau dans les bidonvilles
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Ce 22 mars, c’est la journée mondiale de l’eau. Dans les quartiers informels de la capitale du Kenya, une bataille se joue autour de l’accès à « l’or bleu ». Avec une urbanisation grandissante, la précieuse ressource est disponible en quantité trop faible pour répondre aux besoins de la population de Nairobi. Dans les quartiers où les habitants n’ont pas accès à l’eau courante, elle est devenue une substance trafiquée par des vendeurs qui rivalisent les uns avec les autres et défient l’État.

De notre correspondante à Nairobi,
À Mathare, quartier informel de Nairobi, les points de vente d’eau pullulent. Les habitants n’ont pas l’eau courante et la ressource est rationnée. Alors, lorsque les robinets coulent, des queues se forment. Florence est mère au foyer de trois enfants. Elle est venue remplir ses bidons. « Où je vis, il n’y a pas d’eau et ceux qui la font venir la vendent trop cher, le jerrican de 20 litres y est à 20 centimes. Ici, c’est à moins d’un centime, ce qui me permet de garder de l’argent pour manger. »
Derrière elle, Kennedy Ouno, le vendeur, récupère les paiements : « Je double le prix quand il y a des pénuries. Vous savez ici, certaines personnes se connectent de manière illégale aux tuyaux pour vendre de l’eau. Ce qui réduit le débit ou même crée des pénuries. Il faut aussi constamment faire des réparations parce que les tuyaux passent près des eaux usées donc chaque faille risque de contaminer l’eau. »
Plus loin, Samuel, lui, n’a plus d’eau à son point de vente depuis trois semaines. Il accuse ceux qu’il qualifie de « cartels » d’avoir fermé son robinet. Une hypothèse plausible pour Tobias Omufwoko. PDG de la Wash Alliance, une organisation de plusieurs acteurs du secteur. « Certaines personnes dans ces quartiers informels, souvent en connivence avec les agents de la compagnie d’eau, vont par exemple fermer une ligne pour créer une pénurie et ensuite aller vendre leurs bidons. On les appelle des cartels parce que ces individus travaillent de manière illégale, en collaboration avec des acteurs du secteur formel. Ils veulent battre le système, mais ils appauvrissent les pauvres en leur vendant de l’eau plus chère. »
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Une police de l'eau
Le gouvernement estime perdre plus de 70 millions d’euros par an en revenues non collectés, en partie à cause de ce vandalisme. Pour y faire face, les autorités ont déployé début 2023 une police de l’eau. 400 hommes à travers le pays, d’après Samwel Alima, secrétaire d'État chargé de l’eau. « L’objectif de cette police, c'est de surveiller les actes de destruction et d’arrêter ceux qui les commettent. Il faut mettre fin à ce système. La population a besoin d’eau. Les policiers contrôlent aussi les connexions illégales. Nous voulons que chacun paye, ces revenus nous permettent d’assurer la maintenance du réseau pour qu’il fournisse de l’eau de manière constante. »
Samwel Alima vante le bilan de cette police de l’eau. Mais à Mathare, beaucoup sont sceptiques. Ils déplorent la corruption et dénoncent la connivence des vendeurs légaux et illégaux, un mauvais état du réseau et surtout, un manque d’eau pour répondre aux besoins de la capitale.
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