Reportage Afrique

Côte d’Ivoire: la chanteuse Zélé de Papara, figure du Djéguélé Festival

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La dernière édition du Djéguélé, le festival international du balafon de Boundiali, au nord de la Côte d’Ivoire, a innové cette année en mettant en place un programme de réflexion et de débat. Universitaires et festivaliers ont pu questionner l’œuvre et la vie douloureuse de la cantatrice ivoirienne sénoufo, Koné Zélé dite « Zélé de Papara », disparue il y a 30 ans. 

la cantatrice ivoirienne, sénoufo Zélé de Papara, disparue il y a 30 ans était à l’honneur lors de la dernière édition du festival international de Balafon de Boundiali. (Image d'illustration)
la cantatrice ivoirienne, sénoufo Zélé de Papara, disparue il y a 30 ans était à l’honneur lors de la dernière édition du festival international de Balafon de Boundiali. (Image d'illustration) © Djéguélé Festival
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De notre correspondant de retour de Boundiali,

Avec sa tessiture et sa technique vocale unique, Zélé de Papara, chante les douleurs et les peines qui ont émaillé sa vie et a fini par porter au plus haut la culture Sénoufo. « C’est la première artiste sénoufo qui fut connu », relève Bassimira Koné. Cet ethnomusicologue s’est penché sur ce destin douloureux. Il en a tiré un film documentaire.

Zélé de Papara, née en 1934, a perdu ses 11 enfants, tous fauchés avant l’âge de trois ans. Ce qui lui a valu des accusations de sorcellerie, et la répudiation du village de son mari. Elle est retournée vivre à Papara, emmenant dans sa voix ses traumatismes et ses chagrins. « Bien qu’elle ne soit pas allée à l’école, bien qu’elle ait vécu dans une société, parce qu’elle a été refoulée de sa communauté pour faits de sorcellerie, Malgré tout ces faits reprochés, explique Bassimira Koné. Trente ans après sa mort, on continue de parler d’elle, donc c’est une forme de féminisme qui ne dit pas son nom. Quand tu la vois dans ses œuvres, c’est quelqu’un qui promeut le fait d’envoyer les jeunes filles à l’école, ce qu’elle n’a jamais pu avoir, donc c’est une forme de combativité et de résilience »

La première dans un orchestre d'hommes

La chanteuse enchaîne les prestations lors de funérailles, de baptêmes ou de mariages. Elle joue d’une petite percussion attachée à sa hanche et est accompagnée par des joueurs de balafon. Kassoum Kourouma, enseignant-chercheur en musicologie à l’université FHB d’Abidjan analyse sa situation à son époque : « Elle est d’abord dans une société où la femme a un rôle subalterne. Elle est dans une société senoufo, une société qui est très patriarcale. Elle est la première femme qui réussit à intégrer un orchestre d’homme et ce n’est pas anodin ». Pour toutes ces raisons, l’universitaire est que « Zélé, c’est un modèle, c’est une pionnière en bien des domaines. »

En 1987, elle est repérée par les programmateurs du Festival national des masques et des musiques traditionnelles de Yamoussoukro, et fait connaitre sa voix de contralto au grand jour, elle donnera plusieurs concerts, sans jamais pouvoir vivre correctement de son art. « Et dans cette même musique, malheureusement, elle n’est pas sortie riche, elle est restée pauvre, elle est morte pauvre, elle n’a pas eu l’occasion de faire éclore ce qu’elle savait faire de mieux, ce qui est la musique, évoque le journaliste Silver Bossiei. Elle est restée dans ces conditions jusqu’à ce que la maison tombe sur elle, un beau matin. Jusqu’à ce jour, personne ne sait où se trouve sa tombe, elle est restée un mythe. »

Elle meurt en 1994 sous les décombres de sa maison qui s’est effondrée. Il subsiste peu d’enregistrements de la chansonnière qui n’avait signé aucun album en studio.

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