Madagascar: réduire la malnutrition chronique dans les villes grâce à la farine fortifiée
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À Madagascar, 4 enfants sur 10 souffrent de malnutrition chronique, cette privation répétée de nutrition pendant les 1 000 premiers jours de leur vie affecte leur développement, les exposant à des conséquences cognitives et physiques irréversibles. Pour lutter contre ce fléau, une entreprise sociale malgache développe depuis 2013 une farine infantile fortifiée, préparée chaque jour par des animatrices et vendue à un coût abordable aux plus vulnérables, en porte-à-porte, dans les grandes villes du pays.

De notre correspondante à Antananarivo,
Au cœur de 67 hectares, un quartier défavorisé de la capitale malgache, dès 6 h 30, on entend résonner « Koba Aina-oooooo ! » Ce cri, c’est celui très reconnaissable de la vendeuse de la bouillie nutritive du même nom. En malgache, « koba aina » signifie « farine de vie ».
Chaque matin, six jours par semaine, Tantely arpente son quartier, ses deux thermos de cinq kilos pleins portés à bout de bras. « Ça me fait plaisir de nourrir des enfants. C’est un peu comme si c’étaient les miens », confie-t-elle. Au son de sa voix, des dizaines d’enfants surgissent des ruelles et accourent, gamelle en métal et cuillère à la main. La quadragénaire distribue une ration à chacun, contre 500 ariary (9 centimes d’euro). « Mon travail consiste à préparer la bouillie en mélangeant tous les ingrédients : cacahouète, maïs, riz, soja, sucre, sels minéraux, calcium, vitamine et du fer, explique Tantely. Il faut 45 minutes pour que tout cuise. Ensuite, je quitte ma maison à 6h15 dernier délai pour pouvoir vendre aux travailleurs et aux enfants avant qu’ils ne partent à l’école. »
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Pour beaucoup de clients, il s’agit du seul repas nutritif de la journée. Pieds nus, vêtus sommairement, Suzanne et son petit-fils s’insèrent dans la queue devant le thermos fumant de Tantely. « C’est bon. Ça fait 9 ans qu’on en consomme, c’est devenu notre petit déjeuner. Ça évite de cuisiner… mais surtout, ça tient bien au ventre jusqu’à midi et ça évite d’avoir à donner un goûter. »
D’autres, comme pour Hasina qui attend sur le pas de sa porte le passage de la vendeuse, le Koba Aina est devenu le rituel pour bien démarrer la journée. Chaque jour, elle achète huit portions pour les cinq membres de son foyer. « J’en mange depuis toujours, bien avant d’être mariée. Et maintenant que j’ai des enfants, j’en mange encore plus, tous les jours !, témoigne-t-elle. Les seules fois où on n’en mange pas, c’est parce que la vendeuse ne passe pas devant chez nous. » Et la farine n'a pas seulement des vertus nutritives : « Franchement, c’est bon, ça permet à la famille d’être en bonne santé. Il y a des jours où mes enfants ne veulent rien manger d’autre… », assure Hasina.
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« On a fait le pari de monétiser un service de santé publique »
L’adoption du Koba Aina par les ménages des quartiers défavorisés ne s’est pas faite du jour au lendemain. Il a fallu au moins cinq années pour que les vendeuses comme Tantely, à force de sensibilisation, arrivent à changer les habitudes alimentaires de ces populations et rompent les idées reçues sur les prétendus bienfaits nutritifs de la soupe de riz.
Mandresy Randriamiharisoa, le directeur général de Nutri’zaza, la société qui distribue le Koba Aina, estime que sa farine infantile fortifiée répond à une problématique de santé publique. « La population a été beaucoup habituée aux politiques d’assistanat. Or nous, on a pris le contre-pied », assure Mandresy Randriamiharisoa. « On a fait le pari de monétiser un service de santé publique. Si on explique aux gens le bienfait du produit, qu’ils sont responsables de leur destin, qu’ils sont capables de se prendre en main, d’investir en eux, en leurs enfants, en un avenir, ça pourrait marcher, juge le directeur général. Et ça fonctionne jusqu’à maintenant. Et d’ailleurs, c’est un de nos réseaux qui se développe le plus actuellement. »
Si la situation nutritionnelle en milieu rural fait l’objet de beaucoup d’études sur l’île, celle en zone urbaine est beaucoup moins documentée. Pourtant, la malnutrition chronique frappe sévèrement les villes du centre du pays, à commencer par la capitale. En proposant massivement cette farine nutritive à un prix abordable, Nutri’Zaza ambitionne de réduire les retards de croissance des enfants dans les villes.
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