Reportage Afrique

Soudan du Sud: Pajiek, un village de réfugiés climatiques sur le canal de Jonglei [1/3]

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Pour la sixième année consécutive, le Soudan du Sud a été frappé en 2024 par des inondations catastrophiques. 1,4 million de personnes ont été touchées, dont 379 000 ont dû fuir de chez elles. Dans le comté d’Ayod, les populations nuer ont fui vers l’est et trouvé refuge sur le canal de Jonglei. 

Une femme transporte un sac d'aide alimentaire à travers le marché de Pajiek, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, zone sinistrée par des inondations, le 13 novembre 2024.
Une femme transporte un sac d'aide alimentaire à travers le marché de Pajiek, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, zone sinistrée par des inondations, le 13 novembre 2024. © Florence Miettaux / RFI
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De notre envoyée spéciale à Pajiek, au Soudan du Sud

Les tukuls, des huttes sud-soudanaises rondes au toit de chaume, et les abris des familles déplacées par les inondations défilent sur les rives du canal de Jonglei. Au passage du bateau, les enfants dévalent les berges et plongent dans l'eau pour jouer dans les vagues. Mathok Kong Char, employé de l’ONG Catholic relief services, explique : « Ces inondations viennent de l’ouest, et la communauté ne sait pas quand elles vont s’assécher ». 

Plus de 8 000 personnes vivent dans ce village

Pajiek a été créé à partir de rien en 2021, à l’est du canal de Jonglei. Ici, il n’y a aucun service de base. Seule l’aide alimentaire larguée par avion par le Programme alimentaire mondial (PAM) soulage un peu le quotidien. Des dizaines de femmes font la queue pour recevoir leur ration. Mathok Kong Char supervise la distribution : « Quand ils sont venus ici, ça a été très difficile pour eux. Ils n’avaient rien, aucun abri, aucune couvertures, car ils ont tout perdu pendant les inondations de 2021 ». 

Un sac de sorgho de 50 kg sur la tête, Nyabuot Reath Kuor se dirige à pas rapides vers chez elle. La vie ici à Pajiek est rude. Mais retourner un jour vivre à Gorwai, son village natal, semble bien improbable. « Gorwai est complètement sous l’eau. Tout a changé là-bas, ce n’est plus un endroit vivable. Les arbres sont morts, il ne reste que des hautes herbes. Vous ne reconnaissez même plus où était le village, et encore moins où était votre maison. Gorwai est devenu un marécage ». 

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Des inondations depuis les années 1960

Débuté il y a des décennies, ce phénomène d’expansion des marais du Nil préoccupe le chef coutumier Peter Kuach Gatchang : « Notre communauté a déjà été déplacée vers l'est par les inondations dans les années 1960. Nous avons de la chance d’avoir ce canal de Jonglei, il nous sert de digue, mais si les inondations s’aggravent et nous chassent à nouveau, nous ne savons pas où nous irons ». Le chef traditionnel déplore la « négligence » des autorités à l’égard des déplacés de Pajiek, tout particulièrement dans le domaine de la santé. Les malades doivent en effet être transportés à pied par leurs proches dans l’eau des inondations pour rejoindre la clinique la plus proche.

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