Soudan du Sud: les victimes des inondations en zones contrôlées par l’opposition luttent pour leur survie [2/3]
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Le comté d’Ayod, dans l’État du Jonglei, est dévasté par les inondations depuis six ans. Plus de 70 000 habitants, déplacés par la montée des eaux du Nil, ont trouvé refuge le long du canal de Jonglei. Coupés du reste du comté par l’eau, ces déplacés sont aussi isolés à cause de la situation politique volatile au Soudan du Sud : ils vivent dans un bastion de l’opposition armée du vice-président Riek Machar, entré en guerre contre le président Salva Kiir en 2013. Un accord de paix a été signé en 2018, mais pour les habitants de ces zones, il reste lettre morte et la crise humanitaire s’aggrave.

De notre envoyée spéciale à Paguong, dans l'État du Jonglei,
Des nénuphars flottent dans l'eau stagnante le long de la digue qui entoure le village de Paguong, où plus de 10 000 réfugiés vivent. Gatluok Chuol Dong, un officiel local, se remémore comment la communauté a été déplacée à plusieurs reprises par la montée de l’eau : « Les inondations nous ont poussés vers l’est. Nous avons dû abandonner notre bétail et migrer jusqu’au canal. Mais ses berges ne peuvent pas accueillir un grand nombre de personnes, donc nous avons décidé de chercher un endroit où construire une digue pour mettre nos enfants et nos anciens à l’abri. C'est ainsi que nous avons construit cette digue. »
Propriétaire d’une demi-douzaine de vaches qu’elle trait chaque matin, Nyakuom Deng Jioknyang, 35 ans, mère de trois enfants, confie que la nourriture manque : « Nous avions beaucoup de vaches avant les inondations, mais beaucoup sont mortes, celles-ci sont les seules qu'il nous reste. » Elle montre une poignée de végétaux de forme ronde, coupés en deux, dont l'intérieur est rempli de grains blancs : « Ces bulbes de nénuphars, c’est ce qui nous permet de survivre. Nous les ramassons dans l’eau, les faisons sécher, les transformons en farine pour les cuisiner et les manger sans aucune sauce, explique-t-elle. Le lait des vaches, nous ne le donnons qu’aux enfants, car il n’y en a pas assez pour nous, les adultes. »
De l’aide alimentaire doit être livrée bientôt par avion, c’est pourquoi la communauté coupe des arbres pour créer une « zone de largage » dans la forêt inondée.
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« S’il y avait vraiment la paix au Soudan du Sud, les gens ne souffriraient pas comme maintenant »
Philip Kuon Roha, le chef de l’administration locale, supervise les travaux. Avant le début de la guerre civile en 2013, il était enseignant à Ayod, la capitale du comté, aujourd’hui contrôlée par le gouvernement. D’enseignant, il est devenu combattant aux côtés des forces de Riek Machar, en guerre contre l’armée gouvernementale jusqu’à l’accord de paix de 2018. Un accord qui n’a selon lui pas été mis en œuvre :
« S’il y avait vraiment la paix au Soudan du Sud, les gens ne souffriraient pas comme maintenant. Avant la guerre, nous étions à Ayod, nous n’habitions pas dans ce coin reculé, tout le monde vivait ensemble et travaillait. Les gens faisaient de l’agriculture et élevaient leur bétail. Mais quand les combats ont éclaté, tout s’est effondré. J’en appelle à la communauté internationale pour que cet accord de paix soit enfin mis en œuvre et que nous reprenions une vie normale. »
L’officiel espère qu’une réconciliation entre les communautés sera possible, afin que les habitants des bastions de l'opposition puissent circuler librement.
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