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Ghana: une commune sans eau propre à cause de l'orpaillage illégal

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Au Ghana, les conséquences environnementales du « galamsey », nom local donné à l’orpaillage illégal, sont de plus en plus sérieuses : forêts détruites, risque de pénurie d’eau potable, agriculture en danger. C’est le constat d’un nouveau rapport publié le mois dernier par l’antenne ghanéenne de l’organisation environnementale américaine Pure Earth. L’étude identifie notamment onze localités, où la pollution liée au secteur aurifère sont particulièrement perceptibles, et impacte directement la vie des populations riveraines des exploitations. Notre correspondant au Ghana s’est rendu dans l’une d’entre elles. Reportage dans la commune de Asiakwa, dans la région orientale, à deux heures de la capitale Accra, où les habitants ont dû renoncer à utiliser l’eau de leur rivière.

Un groupe de Galamseyer, mineurs illégaux, extrait de l'or dans la région de Kibi, au sud du Ghana. Cette activité est l'une des principales causes de la pollution des cours d'eau et de la dégradation environnementale. (Image d'illustration).
Un groupe de Galamseyer, mineurs illégaux, extrait de l'or dans la région de Kibi, au sud du Ghana. Cette activité est l'une des principales causes de la pollution des cours d'eau et de la dégradation environnementale. (Image d'illustration). © CRISTINA ALDEHUELA / AFP
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De notre correspondant au Ghana,

Midi approchant, Joyce Obngwaa, commerçante, s’apprête à manger dans sa boutique. Au menu ce midi, un ragoût de kontomire, dont elle sort quelques feuilles de son sac. Pour les rincer cependant, pas question d’utiliser l’eau courante. « C’est parce que les orpailleurs illégaux polluent notre eau naturelle, on ne peut pas utiliser cette eau pour laver les légumes, se laver ou toute autre tâche ménagère. On est donc obligé d’utiliser de l’eau propre qu’on achète en sachet. Ça me rend triste », regrette-t-elle. 

Voilà près de deux ans que les quelque 3 000 habitants de la commune d’Asiakwa ont dû se détourner de leur rivière. Pour avoir de l’eau propre, il faut maintenant l’acheter, ou creuser des puits, ce qui engendre des coûts importants pour les finances de la commune, selon les autorités locales.

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En cause, une eau de rivière surchargée en plomb et en mercure, des métaux lourds toxiques que l’on retrouve fréquemment à proximité des sites d’orpaillage illégal opérant tout autour de la commune, parfois à même la rivière. Des dégâts qu’Ebenezer Aborakwa, ancien élu communal, constate tous les jours en se rendant près des cours d’eau : « Je me souviens de la couleur de l’eau, avant, elle était très propre. Aujourd’hui, vous le voyez, elle a la couleur de la terre du sol. Les mineurs ne couvrent pas leurs exploitations, donc quand il pleut, la pluie emporte toute la saleté, qui finit dans la rivière. »

À ses côtés, plusieurs hommes acquiescent, l’air grave. Armés de fusils, ils font partie d’une équipe anti-orpaillage illégal mise en place par le chef traditionnel local. Francis Tetteh fait partie de cette équipe. Il raconte : « Quand on voit des gens qui minent illégalement, on les arrête. Mais il faut que le gouvernement nous aide, nous donne des moyens, sinon on n’y arrivera pas dans la durée. »

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L’inspection presque terminée, un quad déboule des fourrés. À son bord, trois jeunes, des orpailleurs illégaux, qui reviennent tout juste de la mine. Après quelques échanges tendus, la situation se calme. Joseph, 21 ans, accepte de témoigner. « Ils nous disent d’arrêter, qu’on pollue l’eau, mais moi, je ne suis pas d’accord. La situation économique n’est pas bonne, la jeunesse souffre. C’est pour ça que je mine, pour aider ma mère, mes frères », explique-t-il.

Joseph et ses deux amis repartent finalement, sous le regard désapprobateur, mais aussi impuissant, des hommes armés. Ils le savent : tant qu’il n’y aura pas de réelles opportunités d’embauches pour la jeunesse locale, la rivière, elle, restera teintée par l’orpaillage illégal.

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