Dans le cadre du projet de loi contre le séparatisme qui passe en Conseil des ministres ce mercredi, il est question de restreindre l'instruction en famille dès la rentrée 2021. L'idée du gouvernement est de lutter contre le radicalisme islamiste, mais ce mode d’instruction inscrit dans la constitution française concerne 50 000 familles musulmanes, catholiques ou athées. Dans l'attente des annonces sur ce sujet, les familles sont inquiètes. Immersion dans une famille concernée à Antony, près de Paris.

Son fils étant diagnostiqué dyslexique, la mère d'Ylan a fait le choix de l'instruction en famille, plus connue sous l'appellation École à la maison. Avec l'aide d'une intervenante de l'Éducation nationale, elle fait travailler son fils tous les matins selon son propre rythme.
La matinée de travail commence pour le garçon de 10 ans, mais sa mère, Anne Gouyon, ne fixe pas le programme. « C’est un peu lui qui le définit, je vérifie juste que, dans la matinée, il ait fait un équilibre : des exercices de mathématiques, des sciences, du français et puis des jeux qui vont lui permettre la manipulation de l’écrit », explique-t-elle.
Vie sociale
Ylan a déjà fait l'école classique et il préfère de loin l’école à la maison. « Il y a moins de récrés, on ne prend pas de mots dans le cahier et je n’ai pas tellement envie de sortir le matin. »
Anne Gouyon s'assure tout de même que son fils ait une vie sociale en pratiquant des activités et en voyant régulièrement ses amis. Au collège, cette année, la sœur d'Ylan a elle aussi fait l'école à la maison.
« J’étais en burn out parental, justifie la mère de famille. Entre les difficultés d’Ylan, les rendez-vous chez l’orthophoniste, les bilans psy, on passait deux heures tous les soirs sur les devoirs. On voyait bien qu’il souffrait et donc toute la famille était stressée. C’est vraiment une histoire de reprendre un autre rythme et de donner aux enfants une ouverture sur le monde. J’ai pu refaire une relation avec eux qui n’est pas basée sur la logistique, des horaires, des devoirs, etc. »
Incompréhension
Déjà très encadrée par la loi, Anne Gouyon ne comprend pas le besoin du gouvernement de faire une nouvelle législation. « Les lois actuelles, si elles sont appliquées, permettent de maintenir la liberté de choix d’instruction des parents tout en protégeant les enfants contre des parents qui ne seraient pas très responsables et qui sont une minorité d’ailleurs. Du coup, je ne comprends pas. »
Cette incompréhension est relayée par des associations qui dénoncent une injustice. « Déjà, on est contre le fait d’interdire l’instruction en famille puisque pour nous c’est un droit constitutionnel, proteste Céline Fourest, de l'association Libre d'apprendre et d'instruire autrement. Et en plus de l’interdire dans le cadre d’une loi de lutte contre la radicalisation, c’est vraiment une insulte faite aux familles. »
Les 50 000 familles concernées se mobilisent déjà contre le projet de loi « séparatisme » qui passe ce mercredi devant le Conseil des ministres. Elles ont lancé une pétition en ligne qui a déjà enregistré plus de 123 000 signatures.
En détaillant ce projet de loi, le président Emmanuel Macron avait annoncé en octobre la fin de l'instruction à domicile, à quelques rares exceptions, notamment médicales. Face au tollé et au risque d'inconstitutionnalité, l'exécutif a décidé d'assouplir la mesure.
L'entourage du ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a indiqué que le gouvernement allait « encadrer » plus strictement la scolarité à domicile, mais allait étendre les exceptions possibles au principe de l'instruction à l'école.
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