Reportage France

À Marseille, l'apaisement mémoriel de la guerre d'Algérie porté par les jeunes

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Pendant deux jours, des membres de la société civile des deux rives de la Méditerranée se sont réunis à Marseille à l’occasion du Forum des mondes méditerranéens, voulu par le président Emmanuel Macron. Un groupe de jeunes ayant fait des propositions en faveur de l’apaisement mémoriel au président français a animé un atelier. Ils veulent rendre possible un récit commun entre les différents acteurs de la guerre d’Algérie.

Des documents d'archives de la guerre d'Algérie dans une salle du Service historique de l'armée de terre (image d'illustration).
Des documents d'archives de la guerre d'Algérie dans une salle du Service historique de l'armée de terre (image d'illustration). © AFP/Daniel Janin
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De notre correspondant à Marseille,

Les grands-parents de Nour ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie, elle y a grandi. Elle est membre du groupe Regards de la jeune génération sur la mémoire franco-algérienne depuis sa création en mai dernier.

« Ça fait gagné en humilité parce qu’on se rend compte que l’histoire ne tourne pas autour de soi. Et ne tourne pas autour de ce que nos parents ont vécu et de ce qu’ils nous ont transmis. Je pense qu’il faut vraiment tenter de se comporter avec cette humilité là pour s'enrichir personnellement et accepter le fait que toutes ses mémoires ont une place », croit Nour.

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Quelque chose de l'Algérie en soi

À côté d’elle, Linda, 27 ans. « Je suis petite-fille de harki et petite-fille d’indépendantiste. À quoi sert la troisième génération là-dedans, quelle place elle a à prendre ? Elle peut prendre un rôle d’apaisement, puisqu'on n’a pas vécu cette guerre d’Algérie. Elle en ressent les retombées, mais elles ne sont pas directes. On peut avoir un certain recul finalement », assure Linda.

Tous, ou presque, disent avoir en eux quelque chose de l’Algérie. Adèle, 21 ans, petite-fille de pieds-noirs :

On m’a souvent demandé, c’est quoi tes origines ? Je dis française. Et on me répond, juste française ? Oui, mais mes parents sont pieds-noirs. Mais ça veut dire quoi être pieds-noirs ? Même si je n’ai pas vécu cette guerre, je n’ai pas vécu la colonisation. Ça fait tout de même partie de mon identité. Et même au-delà de ça, ça fait partie de l’identité française. C’est important de connaître l’histoire de son pays. Et ça doit passer par la jeunesse. Moi, on m’a déjà dit : "ça, c'est une histoire qui est passée.  Je comprends pas pourquoi c’est les jeunes qui en parlent !" C’est peut-être passé, mais on en parle toujours. On se dit pas ça par rapport aux jeunes qui parlent de la Seconde Guerre mondiale.

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Une histoire française

Et ils insistent sur le fait que parler de la guerre d’Algérie, c’est parler de l’histoire de France. Le grand-père de Clémence a été appelé en Algérie. Et elle considère vraiment que cette histoire ne doit pas être cantonnée aux familles concernées. « Il manque toute une partie d’un public fantôme. Toute la société française est concernée à partir du moment où la France a combattu. Et que la France a été impliquée tout autant que ce qu’elle est. C’est une histoire française. Donc ça fait partie de l’histoire de tous les Français », insiste Clémence.

Pour intéresser le public et trouver un récit commun acceptable, ces jeunes travaillent sur des projets, comme celui d’un musée. Pour Clémence, « c’est un projet concret qui avait été proposé dans le rapport de Benjamin Stora, qui va voir le jour probablement à Montpellier dans quelques années. Qui a pour but premier d’exposer la vérité, et si possible de soulager et de réconcilier les mémoires. On est en réflexion intense depuis quelques semaines, sur ce projet de musée, pour savoir quelle forme il va prendre, quelle voix est légitime, quelle part va avoir chaque mémoire dans ce musée, comment faire une sélection. Parce qu’à partir du moment où il y a musée, il y a forcément sélection. »

Le public présent est d’ailleurs très réceptif. S’y trouvaient de nombreux pieds-noirs qui ont décidé de rester longuement discuter avec les jeunes.

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