Guyane: les anciens pensionnaires des «homes indiens» en quête de reconnaissance
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En Guyane, les « homes indiens » sont des pensionnats dans lesquels des enfants amérindiens ont été scolarisés et convertis au catholicisme, parfois de force, depuis les années 1930. Pan méconnu de l'histoire, un collectif a vu le jour au début du mois de février et demande une Commission vérité et réconciliation, à l’image de ce qui a été fait au Canada.

Longtemps cette mémoire des « homes indiens » est restée cantonnée dans l’intimité des familles. Pour certains le pensionnat était valorisé comme le lieu de l’apprentissage du français ou d’un métier.
Mais pour Alexis Tiouka, c’est le récit d’une déchirure, la perte de ses parents, de sa culture et de son identité. « La violence, on la ressent dès qu'on arrive dans les homes et qu'on vous coupe les cheveux », explique-t-il. « En tant qu'enfant, on avait les cheveux très longs, ça démontre une spiritualité, on grandit avec la nature. C'est ce premier traumatisme. Et après, on vous donne un numéro. Moi, j'avais le numéro 17 ; c'est à travers ce numéro-là simplement qu'on se reconnaissait. Mon véritable nom veut dire “Petit guerrier pour la paix”. »
À Iracoubo, à deux heures de voiture à l’ouest de Cayenne, le pensionnat a fermé depuis bien longtemps, mais l’Église, le presbytère et les anciens dortoirs aujourd’hui rénovés sont toujours là.
Guillaume Kouyouri se souvient. « Là, il y avait uniquement de quoi attacher les hamacs. Moi, je me trouvais presque au milieu », indique-t-il. « C'est ici que se passaient nos nuits. [...] Il fallait mourir intérieurement pour pouvoir s'adapter à ce nouveau système de vie, ce qui me poussait à fuguer. »
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Éloigner les enfants de leurs familles pour « en faire des petits Français »
Le jeune Guillaume qui fuguait était ramené au pensionnat par les gendarmes. Car l’histoire de ces « homes » est celle d’un partenariat entre le département et les religieux sur un territoire qui n’a jamais appliqué la loi de séparation de l’Église et de l’État.
« Ce qui se joue dans ces pensionnats, c'est l'éloignement des enfants de leurs familles afin d'en faire des petits Français, de les assimiler, de les évangéliser, de faire de ces peuples autochtones de futurs travailleurs salariés pour la Guyane qui, dans les années 1950 au moment de la départementalisation, est considéré comme étant sous-développée parce que sous-peuplée », explique Hélène Ferrarini, auteure du livre Allons enfants de la Guyane. « Il s'agit de faire rentrer dans la masse prolétaire travailleuse toutes les populations présentes sur les territoires, dont les peuples amérindiens, qui jusqu'à présent menaient des vies autonomes, vivrières et nomades. »
Récit d’un arrachement à la cellule familiale, d’une acculturation à marche forcée, le collectif et peut-être la Commission vérité et réconciliation veulent faire toute la lumière sur cet épisode, y compris sur les violences si elles ont été cachées.
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