Prostitution: à Paris, les salons de massage pointés du doigt par des associations féministes
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En 2016, le Parlement français votait la loi Olivier-Coutelle, une loi sur la prostitution qui pénalise les clients de prostitués. Sept ans après, les lignes de fractures sont toujours vives. Aujourd’hui, ce sont les salons de massage parisiens qui cristallisent les débats. Des salons où la prostitution est parfois pratiquée à l’abri des regards.

Vingt-deux heures, un soir d’avril. Dans le 17e arrondissement de Paris, trois femmes, âgées de 19 à 70 ans, préparent l’opération en enfilant des gants en plastique. Lilou, la plus jeune, saisit une bombe de peinture et un pochoir, puis taggue le trottoir.
En face, le salon de massage est fermé depuis quelques minutes. Son propriétaire ne se doute pas de l’opération – illégale – qui se joue. Il découvrira le message le lendemain. Le message ? « C’est combien ? 1500 euros d’amende. » Un clin d’œil à la question qu’un client pose à une prostituée avant d’obtenir un rapport sexuel tarifé. Sauf que la réponse est une référence à l’amende qu’encourt ce client s’il est pris en flagrant délit. Depuis la loi de 2016, les clients sont pénalisés de 1 500 euros d’amende s’ils obtiennent un échange sexuel tarifé avec un ou une prostituée.
Ce message sera taggué devant une quarantaine de salons de massage, tous suspectés par l’association Zéromacho de couvrir des activités de prostitution. Comme ce collectif, d’autres se sont joints à l’opération qui a réuni une vingtaine de personnes. Toutes s’opposent à la prostitution et revendiquent une stricte application de la loi.
340 salons suspects à Paris
« Nous n’avons aucun doute que ces salons de massage sont des lieux de prostitution, car ils ont tous fait l’objet d’une enquête de Zéromacho, assure Florence Montreynaud, à la tête du collectif. Un homme est entré dans chacun de ces salons, a demandé des détails, des renseignements sur le type de massage qu’on y faisait et a terminé en demandant : "est-ce que vous faites des finitions ?". Et dans tous les cas, la masseuse a dit : "mais oui, monsieur, tout de suite". Les finitions dans ce monde, ça veut dire une masturbation ou une fellation. »
À Paris, 340 salons seraient des lieux de prostitution, selon un décompte du collectif. Le 17e arrondissement est l’arrondissement qui en compte le plus d’après Zéro Macho. « La loi interdit la traite des femmes, la prostitution et le proxénétisme, rappelle Florence Montreynaud. Ces salons sont exploités par des hommes qui louent des locaux à des propriétaires français qui devraient tomber sous le coup de la loi. Il s’agit de jouir de fruit de la prostitution, ça s’appelle du proxénétisme. Oui, il faut fermer ces salons, il faut appliquer la loi ! »
Le collectif dénonce l’absence de contrôles de ces salons. Des contrôles d’autant plus difficiles à mener qu’il est presque impossible de prendre les contrevenants en flagrant délit et donc de matérialiser l’infraction. En matière de proxénétisme, la lutte revient au préfet de police de Paris et à la Brigade de répression du proxénétisme (BRP). Les maires n’ont que peu de pouvoir en la matière. Geoffroy Boulard, le maire du 17e arrondissement de Paris, regrette le manque de coopération avec les autorités et leur absence de volonté : « À la préfecture de police de Paris, ils se disent peut-être que ce n’est pas prioritaire, par rapport au terrorisme, par rapport à la lutte contre le trafic de stupéfiants... Je suis désolé, mais c’est un délit ! »
« C’est d’une violence extrême »
Travailler avec les autorités préfectorales et les associations, c’est le vœu de Geoffroy Boulard. Mais Amar Protesta, membre du Syndicat du travail sexuel (le Strass), dénonce de son côté une approche répressive : « Si on veut lutter contre l’exploitation, le meilleur outil pour défendre les personnes, c’est l’obtention des droits et pas la répression, pas la désignation, la stigmatisation, comme ça a été le cas avec Zéro Macho. Pour moi, c’est d’une violence extrême et ce n’est pas une manière de régler les problèmes que peuvent rencontrer les personnes. »
En 2022, quatre salons ont été fermés dans le 17e arrondissement de Paris. Ils couvraient des activités de prostitution, mais ont été fermés pour travail dissimulé : c’est la parade que trouvent les autorités pour clore ces salons administrativement, face à l’impossibilité de prouver des actes de prostitution. Sept ans après la loi de 2016, le Syndicat du travail sexuel demande toujours son abrogation.
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