Reportage France

À Lille, le lycée musulman Averroès dans l'incompréhension après la perte de son contrat avec l'État

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Dans le nord de la France, à Lille, le lycée privé musulman Averroès vient d'apprendre qu'il perdra son contrat avec l'État à partir de la rentrée prochaine, donc les 500 000 euros de subventions annuelles et ses nombreux enseignants de l'Éducation nationale. La décision a été prise par le préfet du Nord, sur la base d'un rapport qui révèle plusieurs manquements : non-respect des valeurs républicaines dans certains cours, des centaines de milliers d'euros reçu du Qatar ou encore des problèmes de gestion internes. Dans ce lycée de près de 500 élèves, classé parmi les meilleurs de la région, le personnel, le corps enseignant et les élèves y voient une « injustice » et une « erreur ».

Créé en 2003 et sous contrat avec l'État depuis 2008, le lycée Averroès de Lille était régulièrement classé parmi les meilleurs de la région Hauts-de-France.
Créé en 2003 et sous contrat avec l'État depuis 2008, le lycée Averroès de Lille était régulièrement classé parmi les meilleurs de la région Hauts-de-France. © AFP / SAMEER AL-DOUMY
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Le lycée Averroès, c'est un long couloir qui dessert une dizaine de classes dont celle de Vincent Pieterarens, professeur d'histoire-géographie.

« -Vous avez un tableau à craie ? -Je n'utilise jamais les tableaux blancs, les feutres qui s'usent en trois jours non, je préfère ma craie qui ne me trahit jamais. »

Écharpe autour du cou, il enseigne l'histoire géographie ici depuis 15 ans. Fin octobre, il est très surpris d'apprendre que le préfet veut résilier le contrat du lycée avec l'État : « J'étais en train de corriger des copies de de géographie et je me disais : "Qu'est ce que je fais là ? Qu'est ce que je suis en train de faire ? À quoi ça sert ?" Je viens d'entendre que je suis salafiste, prosélyte, moi, je corrige des copies de géographie. Et je me dis bon, voilà de quoi on m'accuse... »

Des élèves inquiets pour leur avenir

En signant un contrat avec l'État, le lycée s'engage à ce que la religion ne soit pas un critère de recrutement, ni pour les élèves, ni pour les professeurs.

« Non seulement je suis athée, mais même à l'origine, je suis plutôt laïcard. Quand le lycée a été créé, que j'ai vu ce lycée se créer, j'ai dit : "Qu'est ce que c'est que ça ?" Puis quand j'ai commencé à y travailler, j'ai pris mes marques rapidement. C'est un plaisir énorme, un plaisir de débat, de dialogue. Et puis on a des élèves, quand je vois les petites là, elles sont extraordinaires. »

Les élèves à qui il s'adresse, ce sont Oumaïma et Noha. Les deux jeunes filles aux cheveux longs ont suivi les programmes de l'Éducation nationale, ce que prévoit le contrat avec l'État. À présent, elles s'inquiètent pour leur avenir : « On ressent qu'il y a quelque chose qui pèse sur nous. Tous les propos qui sont dits en dehors du lycée, on les ressent. Si par exemple, on va passer des entretiens et qu'on dit qu'on vient du lycée Averroès, après, on va garder cette étiquette, c'est ça qui est très compliqué aussi ».

« - Concilier les valeurs de la République et de l'Islam, comment ça se traduit ça dans les faits ? - On prend l'exemple que notre professeur ici est athée et nous musulmans. Ça prouve que la mixité, que ce soit blanc pas blanc, religion pas religion, ça ne change rien. On est juste là pour travailler et avoir notre bac. C'est vraiment notre objectif. »

Des erreurs reconnues par le lycée

Éric Dufour, le directeur du groupe scolaire, reconnaît des erreurs. Ce livre par exemple, conseillé dans un cours optionnel d'éthique musulmane, qui contient des commentaires d'un islam radical.

« Mais je l'ai même supprimé sur le fond parce qu'il n'a rien à faire ici dans nos bibliographies, ça contrevient bien évidemment à tout ce qu'on prône ici. Après une inspection, il y a toujours des choses à corriger. L'établissement a vingt ans d'existence, donc évidemment qu'au long des années, les choses s'améliorent, se professionnalisent. On est maintenant tout à fait soucieux de répondre à toutes les exigences. »

Rompre le contrat, une décision nécessaire pour la préfecture du Nord. Démesurée pour le lycée, qui se qualifie de rempart contre toute forme d'islamisme, car contrôlé régulièrement par l'État. Averroès prévoit de saisir le tribunal administratif pour faire annuler cette décision.

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