Lutter contre la solitude: le succès des applications de rencontres amicales
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Dix-sept pour cent des Français se sentent souvent, voire toujours seuls, selon un sondage Ifop, fin 2024. C’est quatre points de plus qu’en 2018, avant l’épidémie du Covid-19. Depuis, les confinements et cette hausse de la solitude ont démocratisé le recours au numérique, pour créer du lien. De nouvelles applications de rencontres proposent ainsi de trouver, non pas l’amour, mais des amis. De plus en plus spécialisées, elles permettent à leurs membres d’organiser un repas, un concert, un cinéma, en groupe.

Dix inconnus se retrouvent sur les quais de Paris, en milieu d’après-midi. Leur point commun : une partie de ping-pong, planifiée sur une application de rencontres. Elsa, l’organisatrice de 44 ans, apprécie ces sorties comme une solution pour les personnes isolées : « Je n'ai pas trop d'amis, parce que déjà mon fils me prend beaucoup de temps entre le travail, lui, l'école. Donc, j'ai un rythme déjà assez soutenu. Donc, voir, rencontrer de nouvelles personnes, je trouve que ça fait du bien. »
Ces applications – Knokk, créée pendant le confinement, ou Frimake – représentent chacune plus de 500 000 utilisateurs. On peut y créer des salons numériques pour échanger et organiser des activités dans son quartier, cinémas, promenades. Stéphane, 42 ans, a découvert l’application pour un nouveau départ : « Moi, c'était après une rupture amoureuse, et je voulais me faire un bowling. On était en plein mois d'août, mes potes étaient en vacances et je ne sais plus pourquoi, j'ai fait une recherche sur internet, et j'ai fait une sortie comme ça au hasard. »
Des hasards qui lui ont permis de sortir de la solitude, affirme Stéphane : « C'est de belles rencontres, des gens que je n'aurais pas rencontrés dans mon parcours normal et, oui, ce sont des gens intéressants quand tu t'intéresses à eux. ». Et quand on lui demande s'il les considère comme des amis aujourd'hui, il répond : « Ouais. On peut dire ça, ouais. »
« Une société où la solitude est une véritable épidémie »
Ellison, 23 ans, est arrivé à Paris il y a une semaine : « Comme je ne connaissais personne, je me suis dit que j'allais essayer, je vais voir s'il n'y a pas des applications qui permettent de rencontrer des gens, de faire des activités et tout. Cela fait quelques jours que je suis dessus, enfin presque une semaine maintenant. Et pour l'instant, j'ai pu faire pas mal de trucs. J'ai pu faire de l'ultimate, de la pétanque, du pique-nique, du badminton aussi ! »
WeRoad organise des voyages avec des inconnus, Timeleft, des dîners. Il y a aussi des applications à swipe, où l’on fait glisser à droite ou à gauche les profils, selon s’il nous plaît ou non. Comme l’application Turn Up, qui se base sur les goûts musicaux.
C’est grâce à elle que JC, 40 ans, a pu créer un groupe d’amis très soudés, qui se retrouvent très souvent : « On s'est retrouvés du coup trois mecs, quatre filles, et tout le monde s’est entendu. Et après, chacun a ramené des rencontres d'appli, ou de soirée. Au bout de deux mois, on était 35-40 dans notre groupe. Il y a eu un côté thérapeutique. Moi, j'ai eu une histoire l'année dernière où j'ai quitté un groupe de potes, et j'ai eu ce sentiment d'être seul en août. Et je pense que 90% des gens de ce groupe ont été exactement dans la même situation que moi. C'est ça qui crée le côté familial. »
Face au succès de ces applications, Pascal Lardellier, professeur à l'université de Bourgogne, constate qu’on renonce à la spontanéité pour lutter contre cette solitude, un véritable phénomène de société : « On se sent seul parce que, n'oublions pas, nous sommes dans une société d'individualisme connecté, et ça, c’est un grand paradoxe. Nous sommes bardés de prothèses technologiques, mais nous sommes faiblement rencontrants et fortement communicants. C'est un paradoxe en effet d'une société où la solitude est une véritable épidémie, mais d'une société dans laquelle c'est sur les plates-formes, qui vont parfois fragmenter et archipelliser les communautés, que l'on rencontre des gens avec qui partager des passions... Nous sommes devenus des consommateurs relationnels. »
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