Reportage international

Syrie: l’État met en vente les terres des opposants qui ont fui le régime

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La vengeance par la terre. En Syrie les terres des familles d'opposants sont aujourd'hui confisquées et mises aux enchères par le régime. Les régions d'Alep, d'Idlib et de Hama ont été en grande partie abandonnées par leurs habitants fuyant l'arrivée de l'armée de Bachar el-Assad. Privés de leurs terres, leur retour semble aujourd'hui impossible.

Un verger de pistaches dans le village de Maan, au nord de Hama, dans le centre-ouest de la Syrie. (Image d'illustation prise le 24 juin 2020)
Un verger de pistaches dans le village de Maan, au nord de Hama, dans le centre-ouest de la Syrie. (Image d'illustation prise le 24 juin 2020) AFP - LOUAI BESHARA
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Voilà trois ans que Ali, avocat et défenseur des droits de l'hommes est réfugié en Turquie. Sa famille elle, est restée en Syrie, mais à l'arrivée des troupes de Bachar el-Assad à Alep, ils ont fui plus au nord. Agriculteurs, ils ont confié leurs terres à des voisins. Et puis un jour Ali append la nouvelle :

« J'ai appris ce qu'il s'était passé à travers un ami qui a encore des contacts près de mon village. Ils échangent de manière secrète bien sûr parce qu'ils ont peur que les réseaux sociaux ou même WhatsApp soient surveillés. Décision a été prise de mettre aux enchères publiques l'exploitation de nos terres familiales et de celles de tous les autres déplacés. Je ne peux rien y faire et nous ne pourrons jamais rien y faire. La situation est bien connue, personne n'ose rien dire. »

Comme Ali, beaucoup de victimes sont aujourd'hui réfugiées, en Grèce, en Turquie ou dans le nord de la Syrie. Où qu'ils soient, ils n'ont pas grand espoir de revoir un jour la terre de leurs ancêtres. Une ONG syrienne tente tout de même de dénoncer ces faits. Le juge syrien Anwar Mejni porte leur combat :

« Les mises aux enchères agricoles ont commencé cet été avec les récoltes d'olives et de pistaches. Aujourd'hui ça a pris une autre dimension, ils confisquent les terres et mettent leur exploitation et leurs récoltes aux enchères. Ça concerne une région très vaste. Ça fait partie de toute une série de procédures mises en place par le régime avec différents objectifs. Avant tout celui de punir les gens vus comme des opposants. En même temps, le régime récompense ceux qui lui sont fidèles puisque ces enchères ne sont ouvertes qu'à des personnes choisies par le régime. Le but sur le long terme est aussi de mettre en place de nouveaux groupes économiques et une nouvelle population pour prendre le contrôle de ces régions. Au final cela amènera à des changements démographiques en Syrie. »

Anwar Mejni est aussi membre d'un comité parrainé par les Nations Unies pour l'écriture d'une nouvelle constitution syrienne. Pour lui la solution ne peut venir que de l'étranger :

« Dans la situation actuelle, on ne peut rien faire à travers les institutions gouvernementales syriennes. La seule chose que nous pouvons faire c'est de nous tourner vers la communauté internationale et l'envoyé spécial des Nations unies. Il faut lui exposer la situation et inclure ces cas de ventes aux enchères dans le processus de paix. Il faut mettre en place des programmes de transition pour la justice, prévoir des compensations, défendre les droits de ceux qui rentreront chez eux. Il n'y a plus de solution à travers l'Etat syrien. »

Même s'il ne veut pas perdre espoir, Anwar Mejni ne cache pas la déception du peuple syrien. Face aux multiples violations des droits de l'homme, ces dernières années en Syrie, la communauté internationale semble muette.

 

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