Reportage international

Sécheresse: intrusion marine dans le Delta du Pô, en Italie

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Le nord de l’Italie, dans la plaine du Pô, est selon la Commission européenne la région de l’Europe la plus gravement touchée par la sécheresse. La situation y est particulièrement préoccupante, car l'été est loin d'être terminé et un tel déficit hydrique à cette période n'avait pas été observé depuis 70 ans. La sécheresse a aussi parfois des conséquences sur la qualité de l'eau. Le Delta du Pô est confronté à une intrusion d’eau salée. Reportage à Porto Tolle, en Vénétie

Rodolfo Laurenti, ingénieur et vice-directeur du syndicat d’irrigation Consorzio di Bonifica Delta del Po, souligne que le dispositif « anti-sel » existante n’a pas empêché les intrusions d’eau salée jusqu’à 30 kilomètres de la côte. Photo prise le 13/07/22
Rodolfo Laurenti, ingénieur et vice-directeur du syndicat d’irrigation Consorzio di Bonifica Delta del Po, souligne que le dispositif « anti-sel » existante n’a pas empêché les intrusions d’eau salée jusqu’à 30 kilomètres de la côte. Photo prise le 13/07/22 © RFI/Pauline Gleize
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Avec notre envoyée spéciale à Porto Tolle

« Ça, ce sont des siphons ». Le vaste territoire agricole du Delta du Pô est parcouru de canaux et d’infrastructures pour arroser et assainir les terres parfois situées sous le niveau de la mer. Ce n’est pourtant pas pour vanter leurs mérites qu’Adriano Tugnolo, agriculteur et président du Syndicat d’irrigation du Delta du Pô, désigne cette installation :

« Ces siphons devraient prélever l’eau du Pô et la mettre dans les canaux au profit de l’agriculture. Actuellement, comme vous pouvez le voir, ils sont à l’arrêt. »

Il y a pourtant de l’eau dans le Pô, de l’eau salée. Explication quelques kilomètres plus loin avec Rodolfo Laurenti, ingénieur et vice-directeur du syndicat, au bord du Pô, traversé d’une rangée de poteaux.

« À l’intérieur de ces pylônes, il y a des barrières anti-sel. Quand le débit du fleuve est supérieur à 450 m3 par seconde, elles s’ouvrent et laissent couler le fleuve normalement. Quand le débit est plus faible et quand, à marée haute, la mer remonte, ces portes se ferment et arrêtent la mer de ce côté-là. Mais, avec un débit exceptionnellement faible de 150 m3 par seconde, même cette infrastructure est devenue inefficace, donc la mer prend le fleuve à rebours sur 30 km. »

Carte à l’appui, Rodolfo Laurenti tente d’en faire comprendre l’impact sur cette partie du Delta. « On ne parvient plus à utiliser toutes les bouches que l’on voit sur cette carte. On a activé tous nos systèmes d’urgence. À marée basse, on a essayé d’acheminer ce peu d’eau douce qu’on a pu avoir. Des points les plus hauts vers les points les plus proches de la mer, précise l'ingénieur. C’est difficile et cela coûte cher pour obtenir un léger bénéfice. Il y a peut-être 10-15% de l’eau nécessaire, mais c’est mieux que rien. On verra ensuite là, les dommages déjà perceptibles sur les cultures. »

► À lire aussi : La moitié de l'UE confrontée à la sécheresse: dans le nord de l'Italie, la délicate gestion de l'eau potable

Près de 1/3 de la production agricole menacée

Selon le syndicat Coldiretti, la sécheresse menace plus de 30% de la production agricole nationale. Malgré des efforts chiffrés à 500 000 euros,15 000 hectares n’ont pas ou presque pas eu d’eau depuis un mois. Voilà précisément un champ de maïs assoiffé. Ce n’est pas celui d’Adriano Tugnolo, mais l’agriculteur déplore l’état de la culture.

« Vous voyez, il n’a pas d’épi, il devrait être plus grand et avoir déjà un épi. Ça, c'est du maïs bon pour du biogaz, il ne fera pas de grain. Et c’est à cause de la sécheresse, il suffit de regarder les fissures dans le sol. C’est un champ, où il n’y a rien ou très peu à récolter. »

À plus long terme, l’agriculture locale pourrait se transformer. « Je ne suis pas devin, mais il est prévisible que dès l’an prochain, il y aura moins d’hectares de maïs. »

Pour l’eau potable, il a été fait appel à une unité de dessalement. Une solution trop coûteuse pour l’agriculture. Le syndicat d’irrigation du Delta du Pô plaide plutôt pour une régulation du fleuve et l’installation d’une nouvelle barrière anti-sel qui retienne l’eau douce dans le bras principal du fleuve pour en augmenter le débit. Un projet qui coûterait plus de 50 millions d’euros.

► À lire aussi : Sécheresse en Italie: l'agriculture au nord du pays peine à irriguer les champs

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