Comprendre le bolsonarisme et son ancrage au Brésil
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En campagne à Juiz de Fora, dans l’État du Minas Gerais, l’actuel président brésilien essaie de convaincre les électeurs indécis. À quelques jours du second tour de la présidentielle, les sondages annoncent un duel très serré entre Jair Bolsonaro et l’ancien président Lula où le bolsonarisme confirme son ancrage dans la société brésilienne.

De notre correspondante à Rio de Janeiro,
Esther, 33 ans, porte un maillot de foot de la Seleçao brésilienne. Avant de rejoindre le meeting de Jair Bolsonaro, elle est venue se recueillir devant la petite chapelle de l’hôpital Santa Casa de Juiz de Fora. C’est ici que le président avait été transporté en urgence après une attaque au couteau, il y a tout juste quatre ans. « Je suis venue prier, demander à Dieu que tout se passe pour le mieux pour notre pays », confie-t-elle.
Cette aide-soignante a voté pour Jair Bolsonaro il y a quatre ans et fera de même au second tour cette année. Mais elle ne se reconnaît pas dans le terme de « bolsonariste », attribué aux partisans du président. « Je pense qu’un autre terme irait mieux : nous sommes patriotes. C’est différent que de spécifier qu’on suit un homme ».
Pourtant, depuis cet événement, il y a bien un mythe qui entoure Jair Bolsonaro. Dans le centre, au coin de la rue où l’attaque s’est produite, nous rencontrons Luciano, vendeur ambulant. « L’autre jour, des gens sont venus avec une statue pour lui rendre hommage, raconte-t-il. On le place au rang de Dieu, on l’appelle le "mythe". Mythe de quoi ? Il est mythe de quoi ? Je ne comprends pas à quoi ces gens s’accrochent comme ça. »
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Une « liberté » au détriment de la démocratie
Cet électeur de Lula préfère ne porter aucun signe visible d’adhésion à son candidat quand il est dans la rue. « Le bolsonarisme incorpore un imaginaire anti-communiste qui a pour origine le fascisme brésilien. Il fait du communisme un danger qui doit être neutralisé, extirpé, ou même "mitraillé", comme le suggère Bolsonaro lui-même », explique Odilon Caldeira Neto, historien à l’Université fédérale de Juiz de Fora, et spécialiste de l’extrême droite au Brésil.
Le chercheur explique que si le Bolsonarisme s’inspire des mouvements d’extrême droite proches de la dictature, il établit aussi de nouveaux paradigmes : « L’appel à l’ultra-individualisme, aux politiques néo-libérales, la façon dont il établit une nouvelle interface avec les groupes évangéliques, mais aussi la façon dont il incorpore un lexique autour de la défense de la liberté, d’une notion qui lui est propre de liberté, au détriment de la démocratie. Ce sont de nouveaux composants du bolsonarisme. »
Avec un grand nombre de députés et gouverneurs alliés du président élu au premier tour de ces élections, le bolsonarisme a de beaux jours devant lui, selon Bruno Ronchi. Ce doctorant en Sciences politiques suit de près le processus électoral au Brésil : « Même si Bolsonaro ne sort pas vainqueur au second tour, le bolsonarisme est toujours vivant. Et le fait qu’il soit au second tour avec des intentions de vote très expressives montre aussi que le bolsonarisme n’est pas un épiphénomène, quelque chose de très caractéristique des événements qui se sont produits en 2018, mais qu’il va s’insérer dans la durée. » À quelques jours des élections, tous les scénarios paraissent encore possibles, selon le chercheur.
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