En Lettonie, la guerre en Ukraine a réveillé un passé douloureux
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La Lettonie a été sous occupation russe pendant 50 ans et des milliers de Lettons ont été déportés en Sibérie. Le pays a perdu un tiers de sa population pendant l’ère soviétique. Après l’indépendance en 1991, l’espoir d’une paix durable était bien présente. Mais depuis un an, la menace d’une invasion russe est de nouveau dans tous les esprits et ravive les tensions avec la communauté russophone.

Le long de la Daugava, la rivière gelée de la capitale lettone, les drapeaux bleu et jaune s’égrènent, signe d’un soutien indéfectible des habitants au peuple ukrainien depuis le début de la guerre. Des milliers de réfugiés ont afflué ici. Et à Riga, il n’est pas rare d’entendre parler letton, ukrainien, mais aussi russe, car 30% de la population est russophone.
Il faut gagner la ville de Jurmala, station balnéaire prisée des Russes à une vingtaine de kilomètres de la capitale, pour comprendre le malaise que vit cette communauté depuis un an : « Quand la guerre a commencé, c'est devenu très vite compliqué de parler russe. Il fallait choisir son camp. » Alexandra est une femme d’affaire d’origine russe de 41 ans. Sa famille a émigré en Lettonie en 1860 : « Bien sur que nous sommes contre la guerre. Mais je suis russe et je ne peux rien y changer. Pourquoi fait-on de nous des citoyens de seconde zone ? Je connais beaucoup de gens maintenant qui veulent partir. Ils en ont marre d’avoir l’impression de ne pas être assez bien pour ce pays. »
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Désoviétisation
Poussé par l’invasion russe, le gouvernement letton a accéléré la désoviétisation du pays. Les monuments glorifiant l’armée russe sont démantelés et le letton sera bientôt la langue obligatoire dans toutes les écoles.
Il existe en effet une crainte que cette minorité russe ne soit instrumentalisée par le Kremlin comme à l’époque soviétique, et utilise cet enjeu de la langue comme une arme de propagande : « Pour nous, la Lettonie est un état à part entière, dit l’historien letton Gints Apal. Sa langue officielle est le letton, c’est le souhait de la majorité des citoyens de notre pays. Et ceux qui insistent pour que le russe devienne une langue officielle veulent uniquement retrouver un acquis de l’occupation soviétique, ce que nous ne pouvons pas accepter. C’est de l’impérialisme culturel. »
Faire table rase du passé russe tout en maintenant le lien avec les russophones, est surement l’un des enjeux les plus importants de la Lettonie dans les années à venir. « Cette guerre a mis une pression énorme sur les communautés russes vivant à l'étranger car elles ont dû accepter la réalité de l'agression de la Russie, explique la députée lettone Sandra Kalniete. Or, certains vivent encore avec le mythe de la mère patrie et pensent que la Russie est le meilleur pays du monde. Il leur a fallu distinguer le bien du mal pour être du bon côté de l'histoire. »
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